Le dogme chiite 

1- Les chiites duodécimains sont ceux qui croient en la désignation par le Prophète de son cousin et gendre Ἀlî pour lui succéder en tant que calife et imam, puis, que cet héritage s’est transmis à travers une lignée de douze imams, le dernier, l’Imam de notre temps (Ṣâhib az-zamân) et de la Résurrection (Qâ’im al-qiyâma) étant toujours présent, mais invisible pour ses fidèles.

Au sens strict du mot, le qualificatif de « chiite » ne s’applique généralement qu’aux duodécimains, également appelés imamites (à cause de leur foi en l’imamat) ou ja’faris, en reconnaissance du rôle essentiel reconnu au sixième Imam, Ja’far aṣ-ṣâdiq (702-765), dans la formulation du « fiqh » imamite.

2- L’histoire du dogme chiite nous ramène aux origines mêmes de l’islam et à la question de la succession du Prophète. Cependant, c’est au cours des siècles qu’allait s’édifier une théologie dont une caractéristique remarquable est qu’elle ne fut jamais figée, mais, bien au contraire, sujette à une évolution, parfois lente, mais constante. C’est surtout à partir de l’imam Ja’far aṣ-Ṣâdiq que furent jetées les bases du dogme, avec l’affirmation de l’imamat comme concept central de la foi chiite. Si la révélation s’était achevée à la mort du Prophète, elle devait être développée, ce qui impliquait la nécessité de l’existence perpétuelle d’un Imam vivant pour éclairer l’humanité sur la voie à suivre. L’Occultation du douzième Imam en 874 fut l’événement majeur à partir duquel se basèrent toutes les constructions théologiques chiites jusqu’à nos jours.

3- Il importe maintenant de définir les principes imamites qui ont eu une influence directe sur le comportement politico-religieux des chiites.

  •  L’épisode de Ghadîr Khumm, qui désigne l’endroit près de Médine, où le Prophète aurait désigné l’imam Ἀlî
  •  Muḥammad Bâqir Majlisî, dans son ouvrage célèbre « Bihâr al-Anwâr », volume 23, pages 79-95, donne.

L’imamat 

4- L’imamat : concept de base du chiisme, il est ce qui caractérise le mieux les duodécimains par rapport aux autres musulmans. Selon la conception imamite, l’Imam est, depuis la mort du Prophète et l’interruption de la révélation, le dépositaire de la Loi, le gardien et l’interprète de cette Loi, en raison de l’impuissance du Coran et de la Sunna à prévoir tous les cas particuliers. Sa fonction est de guider les croyants dans tous les aspects de leur existence. A l’instar du Prophète, il doit être désigné par Dieu. L’imamat, comme la mission prophétique, est donc d’institution divine. L’Imam qui succéda au Prophète fut Ἀlî ibn Abi Ṭâlib, désigné le jour de « Yawm al-Ghadîr » sur ordre de Dieu, puis Ḥasan et Ḥusayn, jusqu’au douzième Imam Muḥammad ibn al-Ḥasan al-Mahdî, chaque Imam désignant son successeur (la « waiya »). C’est à désignation testamentaire faite par l’Imam en place de son successeur qui, seule, permet la continuité de la mission qui lui est dévolue. L’imamat est le prolongement de la prophétie, sans lequel celle-ci reste sans signification pour les fidèles. L’Imam détient, en conséquence, à l’exception de la révélation, toutes les prérogatives du Prophète. Comme le Prophète, il est impeccable (« afal an-nâs ») et infaillible (« ma’ûm »). Sa science est une science divinement inspirée, et non acquise. « Ayât Allâh » ou « Signes de Dieu », « Hujjat Allâh » ou « Preuves de Dieu » sur terre, nombreux sont les expressions et les versets du Coran qui furent ainsi interprétés dans la volonté de mettre en évidence le rôle divin des Imams. Parmi leurs qualités, ils sont les médiateurs (« wâsia ») entre les hommes et Dieu et les intercesseurs le jour du Jugement dernier. « Quiconque meurt sans connaître l’Imam de son temps, dit un hadîth meurt comme on mourait au temps du paganisme ».