LES CROYANCES ISLAMIQUES DU POINT DE VUE CHIITE

l)- Le monde vu du point de vue de l’être et de la réalité; la nécessité de l’existence de Dieu.

La conscience et la perception, qui sont inséparables de l’être même de l’homme, rendent évidente l’existence de Dieu aussi bien que celle du monde. Contrairement à ce qui expriment des doutes sur leur propre existence et celle des autres choses, considérant le monde comme une illusion, nous savons qu’un être humain quand il vient à l’existence, prend conscience de lui-même et du monde. Il ne doute pas “qu’il existe et que d’autres choses que lui existent”. Tant que l’homme sera homme, cette conscience existra chez lui et ne pourra être mise en doute, ni subir la moindre variation.

 

La perception de cette réalité que l’homme affirme est immuable et ne peut être niée, malgré les sophistes et les sceptiques. Les prétentions du sophiste et du sceptique qui nient la réalité, ne pourront jamais être vraies. de par l’existence même de l’homme. L’immense monde de l’existence possède donc une réalite permanente qui demeure en lui et le pénètre.et qui se révèle a l’intelligence. Pourtant, chaque phénomène de ce monde qui possède la réalité ménie, en tant qu’êtres humains conscients et doués de perception, nous lui découvrons, perd tôt ou tard cette réalité et devient inexistant. De cc fait même, il est évident que le monde visible et ses parties ne sont pas l’cssence de la réalité, laquelle ne peut jamais être détruite. Mais ils reposent sur une réalité permanente par laquelle ils acquièrent réalité et passent à l’existence.

Tant qu’ils lui sont reliés et rattachés, ils possèdent l’existence et dès qu’ils en sont séparés, ils sont anéantis (1). Nous appelons cette Réalité immuable et impérissable, l’Etre Nécessaire, Dieu.

 

2)- Un autre point de vue concernant la relation entre l’homme et l’univers.

 

La méthode choisie dans le paragraphe précédent pour prouver l’existence de Dieu est une méthode très simple et évidente que l’homme applique spontanément avec son intelligence et la nature que Dieu lui a données. Pourtant, pour la majorité des hommes, de par leurs préoccupations continuelles pour les choses matérielles et leur immersion dans les plaisirs terrestres, il leur est devenu très difficile de retourner à leur nature originelle, simple, primordiale et virginale. C’est pourquoi l’Islam, qui est universel et considère tous les hommes égaux en religion, a rendu possible pour de tels individus la découverte d’une autre voie pour prouver l’existence de Dieu. II cherche à leur parler et à leur faire connaitre Dieu au moyen du chemin même par lequel ils se sont détournés de leur nature simple et primordiale.

 

Le Coran instruit la multitude des hommes dans la connaissance de Dieu par des voies différentes. Surtout, il attire leur attention vers la création du monde et l’ordre qui y règne. II invite les hommes à contempler les “horizons” et “leur propre âme” (2). Car l’homme dans son bref séjour terrestre, quel que soit le chemin qu’il choisisse ou l’état dans lequel il se perde ne sort jamais du monde de la création et de l’ordre qui y règne. Son intelligence et sa faculté de compréhension ne peuvent pas dominer les scènes merveilleuses du Ciel et de la Terre qu’il observe.

 

Ce vaste monde de l’existence qui s’étend devant nos yeux, est, comme nous le savons, pris continuellement, dans ses parties comme dans son ensemble, dans un processus de changement et de transformation.(3) A chaque moment, il se manifeste sous une forme nouvelle et inédite. II est actualisé sous l’influence de lois qui ne souffrent aucune exception. Des plus lointaines galaxies aux plus minuscules particules qui composent ce monde, chaque partie de la création possède un ordre interne et suit sa course de la manière la plus étonnante qui soit, selon des lois qui n’admettent aucune exception. Le monde, pour atteindre sa propre fin parfaite, étend son domaine d’activité des états de perfection les plus bas aux plus élevés.

 

Au dessus des ordres particuliers, se trouvent des ordres plus universels et, finalement, l’ordre cosmique total qui relie les innombrables parties de l’univers et rattache les ordres particuliers les uns aux autres, et qui, dans son cours continu, n’accepte aucune exception et ne tolère aucune faille.

 

L’ordre de la création est tel que, s’il place par exemple un homme sur terre, il le constitue de telle sorte qu’il puisse vivre en harmonie avec son environnement de telle manière que celui-ci, comme une nourrice affectueuse, puisse le faire grandir. Le soleil, la lune, les étoiles, l’eau et la terre, la nuit et le jour, les saisons de l’année, les nuages, le vent et la pluie, les trésors sous terre ou en surface, en d’autres mots, toutes les forces de la nature, utilisent leurs énergies et leurs ressources afin de pourvoir à son bien-être et à la paix de son esprit. Une telle relation harmonieuse se retrouve dans les phénomènes matériels aussi bien que chez l’homme, dans ses rapports avec les autres, proches ou lointains, de même que dans le propre habitat de l”homme.

 

Cette continuité et cette liaison peuvent également être observées dans la structure interne de chaque phénomène. Si la création a donné du pain à l’homme, elle a également pourvu ce dernier de pieds pour aller chercher le pain, de mains pour le saisir, d’une bouche pour le manger, et de dents pour le mâcher. Elle a relié l’homme une série d’intermédiaires, unis les uns aux autres comme les maillons d’une chaine, au but final assigné à cette créature, à savoir sa subsistance et sa perfection.

 

Nombre d’hommes de science ne doutent pas que les innombrables relations entre les choses.-découvertes par eux à la suite de plusieurs milliers d’années d’efforts, ne sont que d’humbles échantillons et comme un avant-goût des secrets de la création et de leurs myriades de ramifications. Chaque nouvelle découverte annonce à l’homme l’existence d’un nombre infini d’éléments inconnus.

 

Quelqu’un peut-il dire que ce vaste monde de l’existence, dont toutes les parties, que ce soit séparément, ou dans leurs intercommunications, portent témoignage d’une connaissance et d’une puissance infinies, n’a nul besoin d’un créateur et aurait pu venir à l’existence sans raison ni cause? Ou encore peut-on dire que ces ordres et systèmes, particuliers et universels, et finalement, que l’ordre cosmique total qui, grâce à l’innombrables relations, a fait du monde une seule unité fonctionnant selon des lois invariables, que tout cela est arrivé à l’existence sans intention mais seulement par accident et par hasard? Ou bien quelqu’un peut-il soutenir que chaque phénomène ou que chaque ordre, dans le cosmos, s’est choisi, avant même de venir à l’existence, un ordre et une loi qu’il actualisa après être venu à l’existance, ou encore quelqu’un peut-il prétendre que ce monde, qui constitue une unité parfaite dont les parties sont harmonieusement reliées entre elles, pourrait être le résultat de diverses volontés émanant de sources différentes?

 

Evidemment, tout homme sensé qui rattache chaque phénomène à une cause, et qui parfois passe de longues périodes en recherches et en efforts pour découvrir une cause inconnue de lui, n’acceptera jamais la possibilité d’un univers existant sans un Etre qui en soit la cause. L’homme qui, observant quelques briques agencées selon un ordre précis, les considère comme l’effet d’un agent doué de connaissance et de pouvoir, et rejette la possibilité d’un accident ou du hasard intervenant dans l’agencement de ces briques, concluant par là même qu’un but et un plan lui ont préexisté, un tel homme ne concevra point l’ordre cosmique comme le résultat d’un accident ou d’un jeu de hasard.

 

Une conscience plus profonde de Fordre régnant dans l’univers suffit à montrer que le monde, ainsi que l’ordre qui y règne, est la création d’un Créateur omnipotent qui l’amena à l’existence par sa connaissance et son pouvoir illimités et le dirige vers une fin. Toutes les causes partielles qui provoquent les événements individuels dans le monde remontent finalement à Lui. Elles dépendent, sous tous leurs rapports, de Son Pouvoir et sont guidées par Sa Sagesse. Tout ce qui existe dépend de Lui, alors que Lui ne dépend de nul autre, de nulle cause ni d’aucune condition.

 

3)-L ‘unicité de Dieu

 

Chaque réalité de ce monde que nous pouvons imaginer est une réalité limitée, c’est-à-dire une réalité dont l’actualisation dépend de certaines causes et de certaines conditions nécessaires. Si ces conditions ne sont pas réunies, cette réalité ne peut exister dans le monde. Chaque réalité connait des limites au delà desquelles elle ne peut étendre son existence. Seul Dieu est tel qu’Il ne connait aucune limite, car Sa Réalité est absolue et II existe dans Son Infinité d’une manière que nous ne pouvons concevoir. Son”Etre” n’est pas dépendant et n’a besoin d’aucune cause ni condition.

 

Il est clair que dans le cas de l’infîni nous ne pouvons envisager la multiplicité, car toute seconde réalité supposée serait autre que la première; il en résulterait que chacune de ces réalités serait limitée par l’autre. Par exemple, si nous considérons un volume illimité, nous ne pouvons concevoir un autre volume illimité prés de lui. Et si nous supposons quand même un autre volume, il serait tout simplement le même que le premier. Par conséquent, Dieu est Un et n’a pas de partenaire.

 

Nous avons déjà mentionné l’histoire de ce Bédouin qui s’approcha d’Ali, lors de la “bataille du Chameau”, et lui demanda s’il affirmait que Dieu était Un. La réponse d’Ali fut la suivante: “Dire que Dieu est Un, comporte quatre sens, deux qui sont faux et deux qui sont corrects.

 

Quant aux sens faux, l’un consiste à dire: “Dieu est Un” tout en pensant au nombre et calcul. Ce sens est faux car ce qui n’a pas de seconde ne peut entrer dans la catégorie du nombre. Ne voyez-vous pas que ceux qui disent que Dieu est le troisième d’une trinité – c’est-à-dire les Chrétiens- tombent dans l’infidélité? Un autre sens consiste à dire que telle chose est une de son genre, c’est-à-dire une espèce de son genre ou un membre de cette espèce. Ce sens n’est pas correct non plus quand il est appliqué à Dieu, car il implique le rapprochement de quelque chose à Dieu, or Dieu est au-dessus de toute ressemblance.

 

Quant aux deux significations exactes, lorsqu’on les applique à Dieu,l’une consiste à dire que Dieu est unique, en ce sens que rien ne Lui ressemble parmi les choses; Dieu possède une telle unicité. Et l’autre consiste à dire que Dieu est un en ces sens qu’aucune multiplicité ou division n’est concevable en Lui, ni à l’extérieur, dans l’esprit ou dans l’imagination. Dieu possède une telle unité”. (Bihar al anwâr II, 65)

 

Ali a dit aussi: “Connaitre Dieu, c’est connaitre Son Unité” (Bihar al anwâr II, 186). Cela signifie que prouver que l’être de Dieu est illimité et infini suffit à démontrer Son Unicité, car concevoir un second pour l’infini est impossible. II n’y a donc pas lieu de recourir à d’autres preuves, bien que celles-ci existent en grand nombre.

 

4)- L ‘essence divine et ses qualités (Sifat)

 

Si nous considérons la nature de l’être humain, nous voyons qu’il a une essence qui est l’humanité individuelle (Insaniyat-e Chakhsi) et également des qualités par lesquelles son essence est connue, telles que la qualité d’être né à tel endroit, d’être le fils d’un tel, d’être savant et compétent,grand et bien fait, ou le contraire. Certaines de ces qualités, comme la première et la seconde, ne peuvent être séparées de l’essence; d’autres, comme être savant et compétent, peuvent en être séparées. Pourtant toutes sont différentes de l’essence et également différentes entre elles.

 

Ce dernier point, à savoir la différence entre l’essence et les qualités, et entre les qualités elles-mêmes, constitue la meilleure preuve qu’une essence possédant les qualités et qu’une qualité manifestant une essence, sont toutes deux limitées et finies. Car si l’essence était sans limite et infinie. elle incluerait la qualité, de même que les qualités seraient inclues l’une dans l’autre, et le tout serait un. Par exemple, l’essence de l’homme serait la même chose que son pouvoir et son pouvoir la même chose que son savoir; la hauteur et la beauté seraient une seule chose, et tout ceci aurait la même signification.

 

De cet exemple, il appert que l’Essence divine ne peut se concevoir comme ayant des qualités au sens où un être humain en a. Une qualité n’apparait que lorsqu’il y a des limites et l’Essence divine transcende toute limitation (même la limitation de cette transcendance qui en réalité est une qualité).

 

5) La signification des qualités divines

 

Dans le monde de la création, nous sommes conscients de plusieurs perfectoins qui se manifestent sous forme de qualités. Ce sont des qualités positives qui, où qu’elles apparaissent, rendent l’objet qu’elles qualifient plus parfait et élèvent sa valeur ontologique, comme on peut le constater clairement dans la comparaison entre un être vivant tel que l’homme et un être sans vie, tel que la pierre.

 

Sans aucun doute, Dieu a créé ces perfections, et en a fait don à ses créatures. S’Il ne les avait Lui-même possédées dans leur plénitude, II n’aurait pu en investir d’autres, ni perfectionner les autres par ces qualités. Par conséquent, si nous nous sommettons au jugement d’un raisonnement correct nous devons conclure que Dieu, le Créateur,possède Connaissance,Puissance et toute autre perfection réelle. De plus,comme nous l’avons dit,les marques de Sa connaissance et de Sa puissance et, par conséquent, les marques de la vie, se laissent percevoir dans l’ordre du cosmos. Mais puisque l’Essence divine est illimitée et infinie, ces perfections qui se manifestent conune Ses qualités, ne sont en réalité autres que son Essence et une entre elles. La différence entre l’Essence et les qualités et entre les qualités elles-mêmes n’existe qu’au niveau des concepts. Essentiellement, il n’y a qu’une Réalité, unique et indivisible.

 

Afin d’éviter l’erreur inadmissible qui consiste à limiter l’Essence en lui attribuant des qualités ou en niant le principe de perfection en elle, l’Islam a commandé à ses fidèles de préserver un juste équilibre entre l’affîrmation et la négation. Il leur ordonne de croire que Dieu a la connaissance mais non pas une connaissance comme celle des autres êtres. Qu’Il a la puissance,mais non pas une puissance comme celles des autres êtres. Qu’Il entend, mais non pas au moyen d’oreilles; qu’Il voit, mais pas avec des yeux, et ainsi de suite.

 

6)- Autres explications concernant les qualités

 

Les qualités en général sont de deux types : les qualités de perfection et les qualités d’imperfection. Les qualités de perfection sont d’une nature positive et donnent à l’objet qu’elles qualifient, une valeur et un effet ontologiques plus élevés. Cela apparart évident si l’on compare un être vivant, doué de connaissance et de puissance avec un être mort, privé de connaissance et de puissance. Les qualités d’imperfection sont l’inverse des premières. Quand nous analysons ces qualités nous voyons qu’elles sont négatives et dénoncent un manque de perfection, telles l’ignorance, l’incapacité, la laideur, la maladie et autres inperfections du même genre. Ou peut affirmer que la négation de la qualité d’imperfection est la qualité de perfection. Par exemple, la négation de l’ignorance est la connaissance, et la négation de l’impuissance est la puissance.

 

Pour cette raison, le Coran a rattaché toute qualité positive directement à Dieu, et a rejeté toute qualité négative hors de Lui, Lui attribuant seulement la négation de telles imperfections, comme lorsqu’il affirme “Lui est le Connnaissant, l’Omnipotent” ou “Lui est le Vivant” ou bien “Il ne s’assoupit, ni ne dort…” ou encore “Sachez que vous ne pouvez frustrer Allah”.

 

Ce qu’il ne faut jamais oublier, c’est que Dieu est la réalité absolue sans aucune limite ni frontière. Par conséquent (4), une qualité positive attribuée à Dieu ne connaitra aucune limite. II n’est pas matériel ou corporel, ni limité par l’espace et le temps. Tout en possédant toutes les qualités positives, II est au-delà de toute qualité et de tout état appartenant aux créatures. Chaque qualité qui Lui appartient réellement est purifiée de la notion de limite, comme II raffïrme Lui-même: “Nul n’est à sa ressemblance” (Coran XLII, 11).

 

7)- Les qualités d ‘action

 

Par ailleurs, les qualités sont également divisées en qualités de l’essence et en qualités d’action. Une qualité dépend parfois seulement du qualifié lui-même, telle la vie, la science et la puissance, qui dépendent de la personne, d’un être humain vivant, doué de connaissance et de puissance. Nous pouvons concevoir l’homme doué de ces qualités sans prendre en considération d’autres facteurs. Parfois, une qualité ne dépend pas seulement du qualifié en lui-même, mais requiert aussi, pour pouvoir qualifier, l’existence de quelque chose d’extérieur, comme dans le cas de l’écriture, de la conversation, du désir, etc… Une personne ne peut écrire que si elle possède de l’encre, une plume et du papier, et elle ne peut converser que lorsqu’il y a quelqu’un à qui elle puisse parler. De même, elle ne peut désirer que lorsqu’il y a un objet de désir. La seule existence de l’homme ne suffit pas pour amener ces qualités à l’existance.

 

Cette analyse manifeste clairement que les qualités divines qui ne sont autres que l’Essence de Dieu, n’appartiennent qu’au premier genre. Quant à celles du second genre, dont l’actualisation dépend d’un facteur extérieur, elles ne peuvent être considérées comme des qualités de l’Essence et identiques à l’Essence, car tout autres que Dieu est créé par Lui, et se trouve ainsi dans l’ordre créé, venant après Dieu.

 

Les qualités appartenant à Dieu après l’acte de création, en tant que créateur, tout-puissant, donneur de vie, donneur de mort, nourricier, etc… ne sont pas identiques à son Essence, mais s’y ajoutent, ce sont des qualités d’action. Par ce terme, il est signifié qu’après l’actualisation d’un acte, le sens d’une qualité est compris à partir de cet acte, et non pas à partir de l’essence.

 

Ainsi Créateur est conçu après que l’acte de Création ait eu lieu. A partir de la création, la qualité de Dieu en tant que Créateur devient intelligible. Cette qualité vient après la Création et non pas de l’Essence Sacrée de Dieu Lui-même, de sorte que l’Essence ne subit aucune modification avec l’apparition de cette qualité. Le shi’isme considère les deux qualités de volonté (iradah) et de parole (kalam) dans leur sens littéral comme des qualités d’action (“volonté” signifiant vouloir quelque chose et “parole” signifiant acheminer une signification par l’expression). La plupart des théologiens sunnites les considèrent comme impliquant le savoir et par conséquent les classent dans les qualités de l’Essence. (4)