Le tawassol, recours aux Amis de Dieu, n’est-il pas une manifestation de chirk et d’associationnisme

Réponse:

Le tawassol c’est à dire le recours à un être précieux qui permet de se rapprocher de Dieu grâce à son intermédiaire.

Ibn Manzûr dit dans le Lisân ol-‘Arab: »تَوسّل إليه بكذا، تقرّب إليه بحرمة آصرةٍ تعطفه عليه  «(1)

«Il eut recours à untel, pour se rapprocher de lui, par l’intermédiaire du respect et du degré dont untel jouissait auprès de lui».

Le Noble Coran dit:

 

﴿يا أيُّهَا الّذينَ آمَنُوا اتَّقُوا اللهَ وَابْتَغُوا إلَيْهِ الْوَسِيْلَةَ وَجاهِدُوا فِي سَبِيْلِهِ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ﴾(2)

 

 

«Vous qui croyez! Craignez Dieu! Recherchez les moyens d’aller à Lui! Combattez dans Son chemin! – Peut-être serez-vous heureux».

Djawharî, dans son Sihâh al-Loghah définit ainsi le terme «wasila» (moyen, intermédiaire):

 

»اَلْوسيلةُ ما يتقرّب به إلى الغير«

 

 

«Le «wasila» est ce qui nous permet de nous rapprocher de quelqu’un autre».

Par conséquent, nous pouvons recourir à l’adoration pure, offerte à Dieu, et aux bonnes actions qui nous rapprochent du Seigneur des mondes, ou parfois à une personnalité honorable qui, auprès de Dieu, jouit d’un degré et d’une considération particulière.

Les différentes formes de tawassol

Le tawassol peut prendre trois formes:

1- Le recours par les actes vertueux ainsi que Djalâl od-Dîn Soyûtî l’a rapporté à la suite du saint verset

 

﴿وَابْتَغُوا إلَيْهِ الْوَسِيْلَةَ﴾

 

 

«Recherchez les moyens d’aller à Lui!»

 

»عَنْ قتادَة في قَوله تعالى ﴿وَابْتَغُوا إلَيْهِ الْوَسِيْلَةَ﴾ قال: تقربوا إلى الله بطاعته والعمل بما يرضيه(3) «

 

 

«Qatâdah dit au sujet du verset: «Recherchez les moyens d’aller à Lui!» qu’il s’agit de se rapprocher de Dieu par la soumission et un acte qui soit l’objet de Sa satisfaction».

2- Le recours par l’invocation des serviteurs honorables, comme le Noble Coran en fait le récit, dans les paroles des frères de Yûsûf –les bénédictions de Dieu soient sur lui–:

 

﴿ قالُوا يا أبانا اسْتَغْفِرْلَنا ذُنُوبَنا إنّا كُنّا خاطِئِيْنَ قالَ سأسْتَغْفِرُ لَكُمْ رَبِّيْ إنَّهُ هُوَ الْغَفُورُ الرَّحِيْمِ ﴾(4)

 

 

«Ils dirent (les frères de Yûsûf): «Père! (Ya‘qûb) Implore, pour nous, le pardon de nos péchés; nous avons commis une faute» Il dit: «Je vais, pour vous, demander le pardon de mon Seigneur. Il est Celui qui pardonne, Il est Miséricordieux».

Ce verset montre que les fils de Ya‘qûb –les bénédictions de Dieu soient sur lui– ont eu recours à l’invocation de leur père pour obtenir le pardon. Le prophète Ya‘qûb –les bénédictions de Dieu soient sur lui–, n’a non seulement pas fait d’objection à leur demande, mais leur a promis d’accomplir l’invocation et de demander leur pardon.

3- Le recours à des personnalités qui jouissent d’un haut degré spirituel et d’une estime particulière auprès de Dieu.

Ce genre de recours est également l’objet de l’agrément dès le début de l’Islam et était une pratique courante chez les compagnons du Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille–.

Passons en revue certains témoignages, à la lumière des Hadith, sur la conduite des compagnons de l’Envoyé de Dieu –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– et des grandes personnalités de l’Islam:

1- Ahmad ibn Hanbal, dans son Mosnad, rapporte de Othmân ibn Hanif:

 

»إنَّ رَجُلاً ضَرِيْرَ الْبَصَرِ أتى النبى صلّى الله عليه (وآله) وسلّم فقال ادع الله أن يعافيني، قال: إن شئت دعوت لك وإن شئت أخّرت ذاك فهو خير، فقال: أدعه. فأمره أن يتوضّأ فيحسن وضوئه فيصلي ركعتين ويدعو بهذا الدّعاءِ. اللّهمَّ إني أسئلك واتوجّه إليك بنبيك محمّد نبيّ الرّحمة يا محمّد إنّي توجّهت بك إلى ربّي في حاجتي هذه، فتقضيَ لى اللّهم شفعه فيّ (5) «

 

 

«Un aveugle vint chez le Noble Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– et lui dit: «Demande à Dieu qu’Il me guérisse». Le Prophète dit: «Si tu le veux, je ferai une invocation mais si tu es d’accord je la ferai plus tard, cela est préférable». L’aveugle dit: «Fais l’invocation». Le Noble Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– lui ordonna de faire le wozû (les ablutions) consciencieusement, d’offrir deux prières et de faire cette invocation:

«Seigneur! C’est Toi que je prie par l’intermédiaire de Mohammad, le Prophète de la Miséricorde –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– Mohamad! Je me tourne vers toi pour que tu intercèdes en faveur de ma demande auprès de mon Dieu, mon Dieu accepte ma prière».

Ce Hadith fait l’unanimité des rapporteurs de Hadith. Hâkim Nichâbûrî, après l’avoir rapporté dans le Mostadrak, le présente comme un Hadith sahîh (authentique), Ibn Mâdjah également, le rapportant de Abû Ishâq a dit qu’il s’agissait d’un Hadith sahîh et Tirmidhî a confirmé la fiabilité de ce Hadith dans le livre Abwâb al-Ad‘iya. Mohammad Nasîb ar-Rifâ‘î a écrit dans le livre At-Tawassol ilâ haqiqat ot-Tawassol:

 

»لاشك أن هذا الحديث صحيح ومشهورٌ… وقد ثبت فيه بلاشكّ ولاريب ارتداد بصر الأعمى بدعاء رسول الله صلّى الله عليه (وآله) وسلّم له(6) «

 

 

«Il n’y a aucun doute sur l’authenticité de ce Hadith… qui rapporte qu’avec l’invocation de l’Envoyé de Dieu –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– cet aveugle a retrouvé la vue».

Ce Hadith montre clairement que le recours au Noble Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– est permis et que l’Envoyé de Dieu lui-même, avait appris à cet aveugle la manière d’invoquer Dieu en plaçant le Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– entre lui et Dieu. Ceci est le sens même du recours aux Amis de Dieu.

2- Abû ‘Abd Allâh Bokhârî dit dans son Sahîh:

 

»إنّ عمر بن الخطّاب رضي الله عنه كان إذا قحطوا إستسقى بالعبّاس بن عبدالمطلب فقال: أللّهمّ إنّا كنّا نتوسّل إليك بنبيّنا فتسقينا وإنّا نتوسّل إليك بعمّ نبيّنا فاسقِنا. قال فيسقون(7) «

 

 

«Chaque fois que la famine survenait, Omar ibn Khattab priait pour la pluie en recourant à Abbâs ibn Abdol-Mottalib, l’oncle paternel du Prophète, les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille et disait: «Mon Dieu! A l’époque du Prophète nous avions recours à lui et Tu faisais descendre Ta pluie bienfaisante. A présent, nous avons recours à Toi, par l’intermédiaire de l’oncle du Prophète afin que Tu nous abreuves», et ils furent abreuvés».

3- Le recours aux Amis de Dieu était si courant que les musulmans des premiers temps de l’Islam désignaient le Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– comme intermédiaire entre eux et Dieu, dans leurs poèmes:

Sawâd ibn Qârib a composé ce poème pour le Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille–:

 

 

 

«وَ أشْهَدُ انَّ لا ربَّ غَيْرُهُ             و أنّك مأمُونٌ على كلّ غالِبٍ

 

و انك أدْنى الْمرسلين وسيلةً       إلى اللَّه يا بْن الأكرمين الاطائب»(8)

 

 

 

«J’atteste qu’il n’y a pas de dieu hormis Dieu et que tu es le dépositaire de tout ce qui est caché. J’atteste que parmi les autres prophètes, tu es le plus proche et le recours envers Dieu, ô fils des nobles et des purs».

Le Noble Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille– entendit ce poème de Sawâd ibn Qârib et ne l’a jamais interdit ou accusé d’associationnisme ou d’innovation.

Châfi‘î également fait référence à cette vérité dans ces deux vers:

 

«آلُ النَّبِىِّ ذَرِيعتى                            هُم إلَيه وسِيْلَتى

 

أرجوبِهِمْ اعطى‏ غداً                        بيدى اليمين صحيفتى»(9)

 

 

 

«Les membres de la Famille du Prophète sont mon recours auprès de Dieu et j’espère que grâce à eux, le compte rendu de mes actes me sera remis dans la main droite».

Les Hadith concernant le recours aux Amis de Dieu sont nombreux. Les Hadith que nous avons cités, montrent la légalité de ce recours et son encouragement dans la Tradition du Prophète –les bénédictions de Dieu soient sur lui et sur sa Famille–, le comportement des compagnons et des grands savants musulmans et il n’est pas nécessaire de prolonger ce discours.

Cet exposé prouve l’erreur de ceux qui considèrent le tawassol (recours) aux aimés de Dieu, comme une pratique de chirk et une bid‘a.

 

Notes :

 

1- Lisân ol-‘Arab, Vol.11, p.724.

2- Sourate «Mâ’ida» 5:35.

3- Ad-Dorr al-Manthûr, Vol.2, p.280. Imprimé à Beyrouth.

4- Sourate «Yûsûf» 12:97–98.

5- Mosnad d’ Ahmad ibn Hanbal, Vol.4, p.138, Hadith de Othmân ibn Hanif Mostdrak de Hâkim, Vol.1, «Kitâb salât at-tatawwo‘», p.313. Imprimé à Beyrouth.

Sonan d’ ibn Mâdjah, Vol.1, p.441. Impression: Dâr Ahyâ’ al-Kotob al-‘Arabiyyah.

At-Tâdj, Vol.1, p.286.

Al-Djâm‘ al-Saghîr (Soyûtî), p.59.

At-Tawassol wal-Wasila (Ibn Taymiyyah), p.98. Imprimé à Beyrouth.

6- At-Tawassol ilâ haqiqat ot-Tawassol, p.158. 1ère édition. Beyrouth.

7- Sahîh Bokhârî, 2ème partie «Kitâb al-Djom‘ah», chapitre al-Istisqâ, p.27. Imprimé en Egypte.

8- Ad-Darar as-Saniyah (Sayyid Ahmad ibn Zaynî Dahlân), p.29, rapporté par Tabarânî.

9- As-Sawâ‘iq al-Mahriqah (Ibn Hadjar ‘Isqalânî), p.178. Imprimé au Caire.