Notre croyance en la Raj’a: Retour posthume

L’une des croyances des Chiites duodécimains (ithnâ `achari) est la croyance au Retour, c’est-à-dire qu’Allah ressuscitera pour un temps limité une partie des morts, sous la même forme dans laquelle ils étaient avant de mourir. Cette croyance, les Chiites la tiennent des Ahl-ul-Bayt. Certains de ceux qui reviendront à la vie seront honorés par Allah, d’autres seront disgraciés. Les droits de ceux parmi eux qui auraient été spoliés seront arrachés aux malfaiteurs pour leur être restitués. Cela interviendra après la réapparition de l’Imam al-Mahdi.

Les personnes destinées à revenir à la vie après la mort et à retourner dans ce monde sont soit ceux qui auront atteint un très haut degré de piété et de Foi, soit ceux qui auront atteint le pire niveau de corruption et de malfaisance. Après être restés un certain temps en vie, ils mourront à nouveau et retourneront à l’Autre Monde pour y recevoir la récompense ou la punition qu’ils auront méritée.

Allah fait justement allusion au Retour, dans le Saint Coran, lorsqu’IL évoque le désir de revenants qui n’avaient pas su ou voulu se réformer lors de leur Retour, et qui ont mérité de ce fait la punition d’Allah de vivre une troisième fois : « Les infidèles dirons: «O Seigneur! TU nous as fait mourir deux fois, et TU nous as fait revivre deux fois. Nous avons reconnu nos péchés. N’y a-t-il aucun moyen de sortir (de cette torture)?…» (Sourate al-Mo’min, 40:11).

Oui, bien sûr, il y a des Versets Coraniques concernant le Retour, c’est-à-dire le retour des morts à la vie pendant un certain temps, et de nombreux hadiths de la Famille Infaillible du Saint Prophète affirment ce Retour. Tous les Chiites croient à la Raj`ah (le Retour), excepté une minorité qui fait une mauvaise interprétation des Versets Coraniques et des hadiths en question. Cette minorité dit, par exemple, qu’à l’époque de la réapparition de l’Imam al-Mahdi, « Raj`ah » signifiera la restauration du gouvernement et du pouvoir des Imams, et non pas le retour des morts à la vie.

Les Sunnites et la question de la Raj`ah (le Retour)

Les Sunnites considèrent la croyance dans le Retour comme une croyance non islamique qu’ils n’hésitent pas à dénoncer. Leurs historiens du hadith discréditaient les narrateurs et les transmetteurs de hadiths qui souscrivaient à cette croyance. Non seulement ils considèrent la croyance dans le Retour comme une forme de blasphème et de polythéisme, mais pire encore. C’est surtout à cause de cette croyance du Chiisme qu’ils ont dénigré les Chiites Imâmites et jeté l’anathème contre eux.

Or, il ne fait pas de doute qu’il s’agit là d’un exemple typique de réaction exagérée et disproportionnée qui sert de prétexte aux différentes Écoles juridiques islamiques pour s’entre-dénigrer et s’entre-diffamer. Car, en réalité, il n’y a pas lieu de dramatiser et de réagir avec une telle véhémence contre cette croyance qui ne froisse nullement la croyance au monothéisme, ni à la Prophétie, mais au contraire les confirme, puisque le Retour est un Signe de la Tout-Puissance absolue d’Allah, au même titre que la Résurrection et que le Jour du Jugement.

En fait, le Retour équivaut à l’un des miracles qu’accomplissait le Prophète `Isâ lorsqu’il ressuscitait les morts, mais à cette différence près que, dans le cas du Retour, le fait miraculeux est plus prononcé puisqu’il s’agit de ressusciter des morts en état de décomposition totale et réduits en poussière, comme le décrit le Saint Coran : «Les incroyants, parlant des ossements pourris, disent : « Qui donc fera revivre les ossements alors qu’ils sont poussière? » Dis : « Celui Qui les a créés une première fois les fera revivre. IL connaît parfaitement toute création. »» (Sourate Yâ-Sîn, 36:78-79).

Ainsi, la croyance au Retour ne saurait être assimilée au blasphème ni au polythéisme. Ceux qui ont dénoncé la croyance au Retour en l’assimilant à la croyance à la transmigration des âmes, laquelle est rejetée par l’Islam, ignorent tout simplement la différence entre la transmigration des âmes et la résurrection des corps. Or, il s’agit d’une différence majeure puisque, dans le premier cas, il est question du déplacement de l’âme d’un corps vers un autre, alors que dans le second cas, celui de la résurrection corporelle, l’âme retourne au corps auquel elle appartenait à l’origine, et ce corps revient à la vie sous sa forme et sa structure originelles. En tout cas, si l’on peut supposer que le retour d’un mort à la vie serait une forme de transmigration, la résurrection de morts opérée par le Prophète `Isâ équivaudrait aussi à une sorte de transmigration, et il en irait de même de la Résurrection du Jour du Jugement, ce qu’aucun Musulman ne saurait admettre.

Ceci dit, l’objection à la croyance au Retour se ramène à deux possibilités :

1- Ou bien le Retour est impossible,

2- Ou bien les hadiths concernant le Retour sont faux et sans fondement.

Et même si nous supposons la plausibilité de ces deux aspects possibles de l’objection à la croyance au Retour, cette question ne doit pas donner lieu à une telle véhémence et les tenants de cette croyance ne méritent pas pour cela d’être accusés par leurs adversaires de dévier de la Voie de l’Islam. Car il y a tant de croyances, parmi les autres Écoles juridiques islamiques, qui sont logiquement impossibles, ou qui ne sont pas fondées sur un Texte authentique, mais dont les tenants ne sont pas pour autant qualifiés de polythéistes ni accusés d’avoir dévié de l’Islam! Les exemples de telles croyances sont nombreux : la croyance de certains Sunnites à la possibilité que le Saint Prophète eût été amnésique ou capable de commettre des péchés, ou que le Saint Coran existe par lui-même, ou que le Saint Prophète n’ait pas désigné son Successeur, etc…

1. Réfutation de la première objection

La supposition de l’impossibilité du Retour est islamiquement sans aucun fondement car, comme nous l’avons déjà dit, le Retour est une sorte de résurrection des corps comme celle du Jour du Jugement, à cette différence près qu’elle a lieu dans ce bas-monde. Par conséquent, l’acceptation de la possibilité de la Résurrection des corps le Jour du Jugement devient la preuve de la possibilité de la résurrection des corps dans ce monde-ci. Il n’y a aucune difficulté à comprendre une chose si simple. Mais si, malgré cela, le Retour nous semble quelque chose qui suscite l’étonnement, c’est parce qu’il ne nous est pas familier dans notre vie d’ici-bas, et parce que nous n’en savons pas assez sur ce qui pourrait le justifier ou l’empêcher, pour l’admettre ou le récuser. Or l’esprit humain admet difficilement ce qui ne lui est pas familier. C’est comme celui qui s’étonne : « …Et qui fera revivre des ossements devenus poussière? » et à qui on répond: « Celui Qui les a créés une création» (op. cit. Sourate Yâ-Sîn, 36:78-79).

Dans un tel cas, où il n’y aurait pas de preuve rationnelle -ou du moins on le pense- de nature à établir ou à démentir une affirmation, nous devrions nous soumettre aux textes religieux émanant de la source de la Révélation divine pour fonder notre croyance.

Or il y a, dans le Saint Coran, des Versets qui établissent le Retour à ce bas-monde de certains morts. Un exemple en est le miracle de `Isâ, rapporté dans le Coran, consistant à faire revivre les morts : «Je peux guérir l’aveugle et le lépreux, et je peux ressusciter les morts, avec la permission d’Allah» (Sourate Ale `Imrân, 3:49).

Autre exemple, la mort et le retour à la vie de celui qui, passant devant une cité en ruines, s’étonna : «Comment Allah fera-t-IL revivre cette cité alors qu’elle est déjà morte? Allah le fit mourir cent ans, et IL le ressuscita ensuite…»

(Sourate al-Baqarah, 2:259).

Ainsi, le Verset cité (« Notre Seigneur! Tu nous a fait mourir deux fois.. », Sourat al-Mo’min, 40:11) montre le retour à la vie dans ce bas-monde des gens déjà morts, même si certains exégètes se sont ingéniés à l’interpréter autrement et d’une façon qui ne correspond pas à sa signification réelle.

  1. 2. Réfutation de la seconde objection

La seconde objection, selon laquelle les hadiths concernant le Retour de certains morts à la vie dans ce bas-monde auraient été inventés, n’a aucun fondement, car le Retour constitue pour nous une croyance nécessaire, puisqu’elle nous est parvenue à travers des hadiths authentiques et concordants, rapportés des Successeurs Infaillibles du Saint Prophète, issus de sa Famille (Ahl-ul-Bayt), ce qui n’autorise pas le moindre doute sur leur authenticité.

Cette mise au point étant faite, on ne peut que s’étonner de voir un écrivain célèbre, qui se vante de son savoir, tel qu’Ahmad Amine, insinuer dans son livre « Fajr-ul-Islam » (L’Aube de l’Islam) : « Le Judaïsme fit son apparition dans la croyance chiite au retour des morts dans ce monde ».

Et nous, nous lui rétorquons que le Judaïsme fit son apparition dans le Saint Coran également, puisque la croyance au Retour y apparaît clairement, comme on l’a constaté d’après les Versets Coraniques déjà cités. Il est pertinent d’ajouter à ce propos que la vraie religion des Juifs et des Chrétiens est révélée par l’Islam et par les Commandements islamiques, puisque le Saint Prophète a confirmé les précédentes Religions et leurs Commandements Divins, bien que nombre de ces Commandements aient été abrogés par l’avènement de l’Islam. Donc la réapparition de certaines croyances du Judaïsme et du Christianisme en Islam ne discrédite nullement ce dernier, même si, comme le prétend l’écrivain en question, la croyance au Retour est une croyance partagée par les Juifs.

En tout état de cause, le Retour des morts à la vie dans ce monde ne constitue pas un des Fondements (uçul) auxquels il est obligatoire de croire. Si toutefois nous y croyons, c’est d’une part parce que nous tenons cette croyance des traditions authentiques des Saints Imams d’Ahl-ul-Bayt, que nous considérons comme Infaillibles et incapables de mentir, et d’autre part et accessoirement parce que rien, selon la logique religieuse, n’interdit la possibilité du Retour.

Les-croyances-du-chiisme / Mohammad-Redha-Al-Modhaffar