Tout sur le jeûne

Définition

Chez les jurisconsultes, le mot «jeûne» veut dire la privation volontaire de certaines choses bien précises (comme la nourriture et l’acte sexuel) pendant une durée bien déterminée (de l’aube jusqu’au coucher du soleil) et dans l’intention de se rapprocher de Dieu et d’exécuter son ordre.

Les différents types de jeûne

D’après la loi islamique, il ya quatre types de jeûne:

1- Le jeûne obligatoire, comme celui qu’on observe pendant le mois de

Ramadhan.

2- Le jeûne interdit, comme le jeûne observé le jour de l’Aïd.

3- Le jeûne recommandé, comme le jeûne qu’on observe pendant le treizième, le quatorzième et le quinzième jour du mois lunaire.

4- Le jeûne déconseillé (c’est–à–dire qui n’est pas bien rétribué), comme le jeûne observé pendant les trois premiers jours qui viennent juste après le jour de l’Aïd.

L’observation du jeûne doit être accompagnée d’an–niyya

Comme toute ‘ibada[1], l’observation du jeûne doit être accompagnée d’an–niyya (l’intention de se rapprocher de Dieu), c’est–à–dire il faut avoir cette intention de l’aube (ou juste avant l’aube) jusqu’au moment de la rupture du jeûne (c’est–à–dire après le coucher du soleil). A ce propos, le Prophète (a.s.s) a dit dans un hadith célèbre: «Si quelqu’un observe le jeûne sans avoir eu, pendant la nuit, l’intention de le faire, son jeûne

ne sera pas accepté.[2]»

Donc, en principe, si quelqu’un observe le jeûne sans avoir eu, avant l’aube, l’intention de le faire (que se soit volontairement ou par oubli), son jeûne sera incorrect. Mais d’après certains hadiths, ce précepte ne concerne pas les cas suivant:

1– Lorsqu’une personne rentrant du voyage arrive avant midi (c’est–à–dire avant que le soleil commence à décliner vers l’ouest) à l’endroit où elle ne pourra pas écourter la prière. C’est–à–dire si une telle personne reste à jeun jusqu’à ce qu’elle parvienne à cet endroit–là, elle devra observer le jeûne. En effet quelqu’un a dit à l’Imam as–Sadiq (a.s): «Si, pendant le mois le Ramadhan, un homme rentre du voyage à jeun et arrive chez lui avant midi, devrait–il observer le jeûne ce jour–là?» Et l’Imam (a.s) lui a dit: «Il devra jeûner.[3]»1 Et d’après Abou Basir, l’Imam as–Sadiq (a.s) a dit: «Si [un voyageur] rentre du voyage avant midi, il devra observer le jeûne et il devra considérer cette journée–là comme étant une journée jeûnée.[4]»

2- Lorsqu’un malade se rétablit avant midi (c’est–à–dire s’il est encore à jeun, il devra observer le jeûne ce jour–là).

3- Lorsque quelqu’un ignore ou oublie qu’il est au mois de Ramadhan. Dans ce cas, s’il se rend compte avant midi qu’il est au mois de Ramadhan, il devra avoir l’intention d’observer le jeûne. Et s’il fait cela, son jeûne sera correct et il n’aura pas besoin de le compenser. Cette fetwa s’appuie sur al–ijma‘ et sur un récit rapporté par certains narrateurs. Ceux–ci ont rapporté qu’un bédouin s’est présenté le jour du doute (yawm ach–chak) chez le Prophète (a.s.s) et a attesté devant lui que la nouvelle lune est apparue. Alors le Prophète (a.s.s) a ordonné à un crieur de dire à haute voix: «celui qui est à jeun devra observer le jeûne, et celui qui à déjà mangé devra s’abstenir de manger.[5]»

A mon avis, même si ce récit est véridique, il ne pourra pas servir de preuve, car il concerne uniquement celui qui ne sait pas qu’il est au mois de Ramadhan. Et si quelqu’un dit qu’il concerne aussi celui qui a oublié qu’il

était au mois de Ramadhan, il aura recouru à la déduction par analogie (al–qiyas), chose interdite par la loi islamique. Donc la seule preuve sur laquelle s’appuie cet avis est al–ijma‘ (la conformité des avis des jurisconsultes).

4- Lorsque quelqu’un veut compenser un jeûne manqué pendant le mois de Ramadhan. La preuve pour cela est un hadith de l’Imam as–Sadiq (a.s). En effet quelqu’un a dit l’Imam as–Sadiq (a.s): «Si quelqu’un veut compenser quelques jours de jeûne qu’il a manqués pendant le mois de Ramadhan, quand est–ce qu’il devra avoir l’intention d’observer le jeûne?».

Et l’Imam (a.s) lui a dit Le moment du jeûne: «Tant que le soleil n’a pas commencé à décliner vers l’ouest, il à le choix. Mais dès que le soleil commencera à décliner, il ne pourra pas revenir sur sa décision.

[c’est–à–dire] s’il a décidé de jeûner, il devra observer le jeûne; et s’il a décidé de rompre le jeûne, il ne devra pas jeûner.» Alors la même personne lui a dit: «Et s’il avait l’intention de rompre le jeûne, pourra–t–il

changer d’intention après midi?». Et l’Imam (a.s) lui a dit: «Non»:[6]

Mais dans un autre hadith, l’Imam (a.s) a répondu autrement. Il a dit: «Oui,il pourra observer le jeûne et considérer cette journée-là comme étant une journée jeûnée, à moins qu’il n’ait déjà rompu le jeûne.[7]»

Vraisemblablement, ce hadith concerne le cas où on est contraint de rompre le jeûne.

5- Lorsqu’on est obligé d’observer le jeûne pour l’une des raisons suivantes: on a promis à Dieu de jeûner, on a juré par Dieu de le faire, ou bien pour expier un péché. Dans ces trois cas, on a le temps jusqu’à midi,

mais à condition qu’on soit à jeun.

6- Lorsqu’on veut observer le jeûne recommandé. Dans ce cas, on peut prendre la décision de jeûner même pendant l’après–midi, mais à condition qu’on soit à jeun. En effet, quelqu’un a dit à l’Imam as–Sadiq (a.s): «Si

quelqu’un décide d’observer le jeûne en surérogation, puis se trouve dans l’obligation de le rompre, pourra–t–il changer de décision?» Et l’Imam (a.s) lui a dit: «Il a le temps jusqu’à al–‘asr (l’après–midi). Et même s’il

attend jusqu’à l’après–midi pour prendre la décision de jeûner, il pourra jeûner.[8]»

Dans un autre hadith, l’Imam as–Sadiq (a.s) a dit: «En rentrant chez lui, l’Imam Ali (a.s) disait a sa famille: «Y a–t–il quelque chose à manger ou je jeûne?» Alors, quand il y avait quelque chose [à manger] on le lui

ramenait, [et quand il n’y avait rien], il jeûnait.[9]»

De ce qui précède, découle ceci:

 

1- Si quelqu’un décide pendant la première nuit du mois de Ramadhan d’observer le jeûne pendant tout ce mois, il n’aura pas besoin de renouveler son intention chaque nuit.

2- Si quelqu’un décide pendant la nuit de ne pas observer le jeûne et revient sur sa décision le matin et se repentit, son jeûne sera incorrect. En cela, les jurisconsultes sont tous d’un même avis.

Question: Si quelqu’un prend une telle décision, devra–t–il compenser seulement le jeûne de ce jour là, ou bien devra–t–il aussi subir al–kaffara (l’expiation)?

Réponse: Les avis des jurisconsultes divergent sur ce point et, à mon avis, il devra seulement compenser le jeûne manqué. La preuve pour cela est le principe al–bara’a[10] et les hadiths ayant trait à ce sujet et selon lesquels al– affara n’est obligatoire que lorsqu’on commet volontairement un acte qui

rompt le jeûne (par exemple, le fait de manger ou d’avoir des rapports sexuels).

– Si quelqu’un jeûne le jour du doute en surérogation ou bien pour compenser un jour de jeûne manqué, puis se rend compte que ce jour–là est le premier jour du mois de Ramadhan, son jeûne sera considéré comme étant celui du premier jour de Ramadhan, car il a réellement jeûné le premier jour du mois de Ramadhan tout en ayant l’intention de se rapprocher de Dieu. En effet, quelqu’un a dit à l’Imam as–Sadiq (a.s): «Si quelqu’un jeûne en surérogation le jour de doute, puis se rend compte que ce jour–là est le premier jour du mois de Ramadhan, devra–t–il compenser le jeûne de ce jour là?» Et l’Imam (a.s) lui a dit: «Non, [c’est Dieu] qui t’a

accordé la faveur de jeûner ce jour–là[11].»

– Si quelqu’un jeûne le jour du doute avec l’intention d’exécuter l’ordre que Dieu lui a adressé ce jour–là[12], son jeûne sera correct, car il a certainement exécuté l’ordre divin.

Question: Si quelqu’un jeûne le jour de doute tout en ayant une double intention: l’intention d’observer le jeûne obligatoire (si réellement ce jour–là est le premier jour du mois de Ramadhan), et l’intention de jeûner en

Surérogation (si réellement ce jour–là est le dernier jour du mois de Chaâbane), son jeûne sera–t–il correct?

Réponse: La plupart des jurisconsultes sont dit que son jeûne sera incorrect, car le jeûne est une ‘ibada, et lle–ci ne pourra être faite correctement que si on la désigne au fond de soi–même. Quant à as–sayyid al–Hakim, il a dit dans son ouvrage intitulé al–moustamsak: «Son jeûne sera correct, car il avait l’intention de jeûner le dernier jour du mois de Chaâbane et l’intention de jeûner le premier jour du mois de Ramadhan, et il n’est pas obligatoire de désigner au fond de lui–même l’un d’entre eux. La preuve pour cela est le hadith où l’Imam

as–Sadiq (a.s) a dit: «Jeûne [le jour de doute]. Ainsi, si ce jour–là est [le dernier jour] du mois de Chaâbane, tu auras jeûné en surérogation; et s’il est le premier jour du Ramadhan, [tu sauras que Dieu] t’a accordé la faveur de jeûner ce jour–là.» en réponse à celui qui lui a demandé s’il est permis de jeûner le jour de doute.[13]»

Cet avis est juste, car l’essentiel c’est d’avoir l’intention de se rapprocher de Dieu. C’est–à–dire il n’est pas obligatoire de désigner au fond de soi-même al–‘ibada qu’on veut accomplir, sauf si on veut accomplir plusieurs ‘ibadat, ou bien une ‘ibada obligatoire et une autre recommandée (par exemple, la

prière de l’aube et la prière surérogatoire de celle–ci).

Le moment du jeûne

Dieu a dit dans le Coran: «Mangez et buvez jusqu’au moment où le fil blanc de l’aube se distingue clairement à vos [yeux] du fil noir [de la nuit]; ensuite accomplissez le jeûne jusqu’a la nuit…»[14]:

La plupart des jurisconsultes n’ont pas cité le moment du jeûne dans leurs ouvrages, car tous les musulmans le connaissent. En outre, le verset précédent l’a déterminé d’une manière précise.

Qui doit obligatoirement observer le jeûne?

L’observation du jeûne est obligatoire pour toute personne remplissant les

conditions suivantes:

 

1- Être sain d’esprit. C’est–à–dire le fou n’est pas obligé d’observer le jeûne, et cela même s’il perd sa raison pendant une heure seulement.

2- Ne pas être en période de règles ou de lochies. C’est–à–dire si une femme est en période de règles ou de lochies, elle ne devra pas observer le jeûne, et cela même si l’écoulement sanguin commence juste avant le moment de la rupture du jeûne, ou s’arrête juste après l’aube.

3- Être en bonne santé. C’est–à–dire si quelqu’un sait avec certitude que l’observation du jeûne est préjudiciable pour sa santé, il ne devra pas jeûner.

4- Ne pas être en voyage. C’est–à–dire si quelqu’un est en voyage, il devra rompre le jeûne, sauf dans les cas suivants:

– Lorsque le but du voyage est illicite.

– Lorsque le voyage fait partie du travail (comme le chauffeur de taxi).

– Lorsque le voyageur a l’intention de rester au moins dix jours dans le lieu de destination.

– Lorsque quelqu’un promet à Dieu de jeûner tel jour (c’est–à–dire il devra jeûner ce jour–là même s’il est en voyage).

– Lorsque le pèlerin est obligé d’accomplir trois jours de jeûne (parce qu’il n’a pas pu sacrifier une bête pendant le pèlerinage) ou bien dix–huit jours (parce qu’il a quitté volontairement le mont Arafat avant le coucher du

soleil et n’a pas trouvé de quoi expier ce péché).

Question: Le voyageur pourra–t–il jeûner en surérogation?

Réponse: D’après l’auteur d’al–jawahir, la plupart des jurisconsultes ont dit qu’il est permis de jeûner en surérogation pendant le voyage, mais il est déconseillé de le faire. Ceux qui ont émis cet fetwa ont essayé de concilier les hadiths qui interdisent l’accomplissement du jeûne pendant le voyage et ceux qui disent qu’il est permis de jeûner en surérogation pendant le voyage.

 

Les conditions nécessaires pour pouvoir accomplir le jeûne

 

Pour qu’une personne puisse accomplir correctement le jeûne, elle doit être musulmane et elle doit réunir toutes les conditions précédentes.

D’après certains jurisconsultes, si l’enfant ayant atteint l’âge de raison accomplit le jeûne, son jeûne sera correct mais c’est ses parents qui seront rétribués.

Certains diront peut–être: «Son jeûne ne peut pas être correct, car Dieu ne lui a pas ordonné de jeûner»

A ceux–là, je dirai ceci: certes l’enfant n’est pas concerné par les préceptes de la loi islamique, mais cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas accomplir correctement al–‘ibadat.

 

Lorsque quelqu’un perd connaissance ou dort toute la journée

 

– Si quelqu’un décide avant l’aube d’observer le jeûne puis dort jusqu’à la nuit, son jeûne sera correct.

D’après l’auteur d’al–jawahir, cet avis s’appuie sur al–ijma‘ et sur des hadiths.

– Si quelqu’un ne décide pas avant l’aube d’observer le jeûne et dort jusqu’à l’après–midi, il devra compenser le jeûne de ce jour–là.

À propos de cet avis, l’auteur d’al–jawahir, a dit: «Cet avis n’est pas controversé, car une fois qu’il est trop tard pour prendre la décision de jeûner, le jeûne sera incorrect.[15]»

Toutefois, s’il se réveille avant que le soleil commence à décliner vers l’ouest et décides-en ce moment–là d’observer le jeûne, son jeûne sera correct, c’est–à–dire il n’aura pas besoin de le compenser.

Certains jurisconsultes considèrent toute personne évanouie comme une personne qui dort. D’après eux, si quelqu’un perd connaissance pendant une ou plusieurs journées du mois de Ramadhan, il devra compenser le jeûne.

Mais la plupart des jurisconsultes disent qu’une telle personne n’aura pas besoin de compenser le jeûne, même si son évanouissement ne dure qu’une partie de la journée, car une personne évanouie est une personne inconsciente, et l’inconscient n’est pas concerné par les obligations de la loi islamique. À propos de cet avis, l’auteur d’al–jawahir, a dit: « Cet avis est conforme aux principes de l’école chiite. En effet, le mot « jeûneur » s’applique à quelqu’un qui a dormi pendant toute la journée, mais il ne s’applique pas pour quelqu’un qui a perdu connaissance pendant toute la journée.[16] »

 

[1] Par le mot ‘ibada, les jurisconsultes désignent tout acte dont l’accomplissement doit être accompagné d’an–niyya ‎‎(l’intention de se rapprocher de Dieu). (NdT)‎

[2] Al–moustadrak (V: 7 / P: 316)‎.

[3] Al–wasa’il (V: 10 / P: 190)‎

[4] Al–wasa’il (V: 10 / P: 190)‎.

[5] Al–mabsot de Sarakhsi (V: 3 / P: 62)‎

[6] Al–wasa’il (V: 10 / P: 13)‎.

[7] Al–wasa’il (V: 10 / P: 13)‎

[8] Al–wasa’il (V: 10 / P: 14)‎.

[9] Al–wasa’il (V: 10 / P: 12)‎.

[10] ‎– Principe selon lequel on n’est obligé d’accomplir un acte que si on sait avec certitude que son accomplissement est ‎obligatoire

[11] Al–wasa’il (V: 10 / P: 21)‎.

[12] C’est–à–dire si ce jour–là est le premier jour du mois de Ramadhan, Dieu lui a réellement ordonné d’observer ‎obligatoirement le jeûne ; et s’il est le dernier jour du mois de Chaâbane, Dieu lui a réellement ordonné de jeûner en ‎surérogation. (NdT)‎.

[13] Al–moustamsak (V: 8 / P: 226)‎

[14] Sourate al–Baqara (S: 2 / V: 87)‎

[15] Al–jawahir (V: 16 / P: 332)‎

[16] Al–jawahir (V: 16 / P: 329‎