Le Prophète (P), le premier à avoir pleuré du Martyr d’Al-Husseini

L’Imam Ahmad ibn Hanbal rapporte ce témoignage incontesté et incontestable de l’Imâm ‘Ali: « Un jour, entrant chez le Prophète, et voyant ses yeux déborder de larmes, je lui ai demandé:

– Ô Messager de Dieu, qu’est-ce qui t’a fait pleurer?

– L’Archange Gabriel vient de me quitter. M’ayant informé qu’al-Husayn sera tué près de l’Euphrate. Je lui ai demandé si je pouvais sentir la terre sur laquelle son sang sera versé. Il m’a offert alors une poignée de terre, et je n’ai pu empêcher mes yeux de déborder de larmes », répondit le prophète. (1)

 

L’Imâm al-Husayn tombera en martyr, effectivement, quelques décennies plus tard, sur la terre prédestinée et indiquée par le Prophète, après avoir subi, ainsi que quelques dizaines de ses proches et de ses compagnons vaillants, un calvaire poignant auquel les ont soumis des « musulmans » déviés ou plutôt des «musulmans» de nom.

 

Depuis cette date – l’an 61 de l’hégire – les masses musulmanes, se rappelant ce geste pathétique et significatif du Prophète, n’ont cessé de pleurer ce martyre douloureux du petit-fils du Prophète (P), et de commémorer, chaque année dans le deuil, l’anniversaire de « ‘Achoura’ », le 10 Muharram.

 

Certes, on sait que la Charia et la morale islamique découragent toute manifestation de tristesse et d’affliction devant la mort, et la considèrent parfois, sinon comme interdite du moins comme détestable. Mais le cas d’al-Husayn en fait exception à la règle, car outre le geste précité du Prophète, l’Imâm al-Sâdiq nous rappelle explicitement et d’une façon on ne peut plus claire et la règle et l’exception concernant la manifestation du sentiment de douleur devant la mort:

 

«Il est détestable, dit-il, que le serviteur pleure ou manifeste des signes d’affliction devant tout ce qui suscite l’affliction, sauf lorsqu’il s’agit du cas de l’Imâm al-Husayn ibn ‘Ali pour le martyre duquel le pleur et les signes de douleur sont récompensés (par Dieu)».

 

Donc loin d’être interdite, la manifestation de signes de douleur à l’occasion de l’anniversaire du martyre d’al-Husayn, est exceptionnellement vivement recommandée comme un acte de piété et presque comme une obligation si l’on se réfère aux Imâms d’Ahl-ul-Bayt qui ont succédé à l’Imâm al-Husayn, et qui ont beaucoup insisté sur la nécessité pour les Musulmans de montrer leur douleur lors de la commémoration du martyre du petit-fils du Prophète (P).

 

Pour éviter de tomber dans l’erreur et croire que pleurer le martyre d’al-Husayn, c’est contredire la règle générale en Islam, selon laquelle non seulement il est détestable qu’on pleure ses morts, mais le martyre commande plutôt les félicitations que les condoléances, puisqu’il est récompensé par la félicité éternelle, il faut souligner le caractère exceptionnel du cas d’al-Husayn. Ibn Tâwâs, l’un des principaux biographes de ce martyr nous le rappelle clairement: «S’il ne s’agissait pas de respecter la prescription de la Sunna, laquelle nous commande de revêtir l’habit de deuil et de douleur pour remettre perpétuellement en mémoire les sommités de la guidance qu’on a tenté d’effacer et les piliers de la déviation qu’on a installés… nous porterions à l’occasion de ce bienfait grandiose (le martyre d’al-Husayn) les habits de la joie et de la bonne nouvelle. C’est seulement parce que l’affliction, à cette occasion, est en vue de satisfaire le Seigneur des serviteurs que nous portons les vêtements de deuil et que nous nous réjouissons de verser des larmes».

 

Cette mise au point nette sur le caractère exceptionnel de la manifestation de deuil pour l’anniversaire du martyre de l’Imâm al-Husayn, ne laisse de place à aucune interprétation erronée ou tendancieuse de cet acte de piété.

 

La raison de la légalité et de la légitimité de la manifestation du sentiment de douleur à l’égard du martyre d’al-Husayn, et l’interdiction d’une telle manifestation dans certaines autres circonstances est que dans le premier, contrairement au second le pleur et l’affliction ne sont pas une affaire personnelle et ne traduisent pas un sentiment de regret de ce qui est arrivé à un proche, mais expriment notre affliction relative à une cause religieuse générale: le refus de la déviation du Message, incarné tragiquement par le martyre d’al-Husayn, par le calvaire qu’il a subi, par les sacrifices inégalés qu’il a consentis et par la Révolution symbolique qu’il a déclenchée.

 

Dans un tel cas le sentiment d’affliction ne dénote pas un comportement passionnel ni un problème personnel, mais une attitude de principe par laquelle le croyant exprime son adhésion réelle, à cette cause, son attachement profond au Message et son refus renouvelé de toute velléité de dévier de la ligne du Prophète (P)

 

Note :

 

  1. “Istich-hâd al-Husayn”, Ibn Kathir, le Caire, Matba’at al-Madani