Les facultés de l’âme (2) : leurs effets et caractéristiques

C – La bonté et le bonheur

Le but ultime de la Purification de l’âme et de l’acquisition d’un caractère moral et éthique est d’atteindre la félicité et le bonheur. La plus parfaite félicité et le bonheur le plus complet pour l’homme est l’incarnation et la manifestation des attributs et des caractéristiques Divins. L’âme d’un homme vraiment heureux se développe avec la connaissance et l’amour d’Allah  elle est illuminée par l’éclat émanant d’Allah Lorsque cela arrive, rien d’autre que la beauté ne viendra de LUI, puisque la beauté n’émane que de ce qui est beau.

On doit garder présent à l’esprit que la vraie félicité ne peut être atteinte ou conservée sans que tous les pouvoirs et facultés de l’âme soient purifiés et réformés. La réforme de quelques facultés ou de toutes les facultés de l’âme, pendant une courte période, ne suffirait pas à atteindre le bonheur. On ne peut dire d’un corps qu’il est sain que lorsque tous ses organes le sont. Donc, la personne qui cherche à atteindre le bonheur parfait et ultime doit se libérer des griffes des forces et des tendances démoniaques et bestiales et poser le pied sur l’échelle de l’ascension vers des royaumes plus sublimes.

 

 

D) Les vertus et les vices moraux

 

Dans notre dernière discussion, nous avons affirmé que l’âme humaine possède quatre pouvoirs distincts. ce sont l’intellect, la colère, la passion et le pouvoir d’imagination. Ce qu’il convient de noter ici, c’est que la purification et l’entraînement convenable de ces pouvoirs mènera vers l’émergence d’une faculté particulière chez l’être humain.

 

La purification et l’entraînement approprié du pouvoir de l’intellect déboucheront sur le développement de la Connaissance, et par voie de conséquence, de la Sagesse, chez l’être humain. La purification du pouvoir de colère conduira à l’émergence de la faculté de Courage, et par voie de conséquence d’endurance (hilm). La purification du pouvoir de passion et de désir mènera au développement de la faculté de Chasteté, et par voie de conséquence, de la générosité. Et enfin, la purification du pouvoir d’imagination conduira à l’émergence de la faculté de Justice chez l’être humain.

 

Les vertus morales sont donc : la Sagesse, le Courage, la Chasteté, et la Justice. Les qualités négatives opposées à ces qualités positives sont : l’ignorance (5), la lâcheté, la concupiscence, l’injustice et la tyrannie.

 

La Sagesse signifie la possession d’une compréhension du monde qui concorde avec la réalité des choses. La présence du Courage et de la Chasteté signifie que les pouvoirs de colère et de désir sont totalement sous les ordres de l’intellect, et complètement libérés des liens de la concupiscence et de l’égoïsme. En ce qui concerne la Justice, elle se rapporte à l’état où le pouvoir d’imagination est complètement sous le commandement du pouvoir de l’intellect. Cela implique la régulation de tous les pouvoirs de l’âme par le pouvoir d’intellect. En d’autres termes, la présence de la faculté de Justice dans l’âme nécessite la présence des trois autres facultés, de Sagesse, de Courage et de Chasteté.

 

Une question importante doit être soulignée ici. Du point de vue de l’éthique islamique, une personne qui aura développé chez elle les quatre facultés ne sera méritante que si la possession de ces vertus profite aussi aux autres gens. C’est ce que la raison nous dit, et nous fait comprendre que les vertus purement intérieures et privées n’ont pas beaucoup de valeur, et celui qui les posséderait ne mériterait pas de louanges.

 

 

E) La modération et la déviation

 

Chacune des quatre vertus éthiques doit être pratiquée jusqu’à un certain degré et dans des limites définies. Une fois ces limites dépassées, la vertu se transforme en vice. Si l’on conçoit chaque vertu comme le centre d’un cercle, tout mouvement d’éloignement de ce centre serait considéré comme un vice, et plus on s’éloigne de ce point central, plus grand sera le vice. C’est pourquoi il y a pour chaque vertu d’innombrables vices., puisqu’il y a un seul centre dans le cercle, alors qu’il est entouré d’un nombre infini de points. Concernant la déviation ou l’écart de ce centre, il importe peu en quelle direction elle se fait. La déviation du centre, quelle qu’en soit la direction, est un vice.

 

Trouver le vrai centre -ce qui comporte une modération absolue- n’est pas chose facile. Mais il est encore plus difficile de rester dans ce centre et de préserver cet équilibre. Le Prophète (S) a dit :

 

– “La Sourate Hûd m’a fait vieillir pour le propos suivant : “Reste ferme comme tu en as reçu l’ordre.”.” (11 : 112) (9)

 

Par opposition au vrai centre, il y a le centre approximatif, lequel est plus accessible. Les gens qui se purifient et développent leur âme arrivent normalement à ce centre relatif et acquièrent une modération relative. C’est pour cette raison que les vertus morales diffèrent d’une personne à l’autre, d’une circonstance à l’autre, et d’une époque à l’autre. La modération relative, tout comme la déviation, couvre une large région au centre de laquelle se situe le point d’équilibre et de modération absolus.

 

 

  1. F) Les différents types de vices

 

Nous avons déjà dit que dévier de la modération et du milieu conduit au vice. Cette déviation vers chacune des deux extrémités opposées au milieu est d’innombrables degrés. Ci-après, nous allons mentionner seulement les deux extrémités correspondant à chaque vertu morale.

 

(tafrît) (ictidâl) (ifrât)

 

déficience Modération excès

 

stupidité Sagesse sournoiserie

 

lâcheté Courage témérité

 

léthargie Chasteté rapacité

 

soumission Justice tyrannie

 

 

Il y a ainsi huit sortes de vices, dont nous allons décrire chacune d’une façon brève.

 

1- La stupidité est la déficience de la Sagesse, c’est-à-dire le fait de manquer d’utiliser le pouvoir de l’intellect pour comprendre la nature des choses.

 

2- La sournoiserie est l’utilisation excessive de l’intellect, c’est-à-dire le fait d’utiliser le pouvoir de l’intellect là où il ne faudrait pas, ou de l’utiliser trop là où il est approprié de l’utiliser (normalement).

 

3- La lâcheté est la déficience du Courage, c’est-à-dire avoir peur et faire montre d’irrésolution là où il ne faut pas.

 

4- La témérité est l’excès de Courage, c’est-à-dire se montrer insouciant, imprudent -là où il ne faut pas.

 

La léthargie est l’état déficient pour lequel le point de modération est la Chasteté  ce qui veut dire faillir à utiliser les choses dont le corps a besoin.

 

6- La rapacité est l’autre extrême de la Chasteté, à l’opposé de la léthargie, et signifie l’excès dans l’acte sexuel, le manger, le boire et dans les autres plaisirs sensuels.

 

7- La soumission est l’état déficient pour lequel le point de modération est la Justice, et elle signifie l’acceptation de l’oppression et de la tyrannie.

 

8- La tyrannie est l’autre extrême de la Justice, à l’opposé de la soumission, et elle signifie soit s’opprimer soi-même, soit opprimer autrui.

 

Chacun de ces huit vices a de nombreuses branches et subdivisions qui sont reliées à la direction et au degré de la déviation par rapport aux quatre vertus. Etant donné que la déviation pourrait se produire en un nombre illimité de degrés, il n’est pas possible d’énumérer tous ces degrés. Toutefois, nous allons mentionner ici quelques uns des plus connus de ces vices, et par la suite nous discuterons des moyens de les combattre.

 

Les vices sont divisés d’après les pouvoirs auxquels ils sont rattachés, à savoir l’intellect, la colère et la passion.

 

1- Le pouvoir de l’intellect peut pousser à deux sortes de vices : la stupidité et la sournoiserie, dont les subdivisions supplémentaires sont :

 

– l’ignorance simple : le non-savoir

 

– l’ignorance composée : être ignorant et inconscient de son ignorance

 

– la perplexité et le doute : qui sont à l’opposé de la certitude et de la conviction

 

– les tentations charnelles : à l’opposé desquelles est la contemplation de la beauté de la Création Divine

 

– la duperie et la tricherie : en vue de parvenir à des fins dictées par la passion et la colère

 

– le chirk (le polythéisme) : qui est à l’opposé de la croyance en l’Unité et l’Unicité d’Allah.

 

2- Le pouvoir de colère a deux vices : la lâcheté et la témérité, dont les subdivisions sont :

 

– la peur : état psychologique causé par l’attente d’un événement douloureux ou la perte d’une condition favorable

 

– le manque d’endurance et l’auto-dépréciation : qui découlent de la faiblesse de l’esprit et dénotent une incapacité à faire face aux difficultés. A l’opposé de ces traits de caractère négatifs on trouve la fermeté, qui signifie la capacité d’endurer les difficultés de l’adversité

 

– la timidité : elle découle du manque de confiance en soi-même et de la faiblesse de caractère, et indique une incapacité à lutter pour atteindre des buts nobles et méritoires. A l’opposé de ce vice, il y a la vertu de la force d’âme, c’est-à-dire le courage et la bonne volonté d’entreprendre de grands efforts en vue d’atteindre la vraie félicité et la Perfection

 

– le manque de sens de la dignité : il découle lui aussi de la faiblesse de caractère, et il se traduit par un manquement à la nécessité de s’occuper de près des questions qui nécessitent qu’on s’en occupe

 

– la précipitation : c’est une autre manifestation de la faiblesse de caractère, et elle signifie la prise de décisions et l’engagement dans des actions sans y réfléchir suffisamment. L’extrême opposé à ce vice est la léthargie, qui est une tendance à la mollesse et au manque d’alacrité et d’empressement lorsqu’il s’agit de prendre une initiative qui exige de la rapidité

 

– le doute sur Allah et sur les Croyants : c’est là une autre manifestation d’un caractère faible et timide. A l’opposé de ce vice, on trouve la confiance totale en Allah et dans les Croyants, qui est un signe de courage et de confiance en soi-même

 

– la colère : qui est à l’opposé de la patience et de l’endurance

 

– l’esprit de vengeance : qui est à l’opposé de la clémence

 

– la violence : elle est suscitée par le pouvoir de colère et l’usage de la force en vue de parvenir à un but. A l’opposé, on trouve l’esprit de conciliation et la compassion

 

– le mauvais caractère : à l’opposé duquel on trouve le bon caractère

 

– l’envie et la malice : résultant du pouvoir de colère

 

– l’inimitié ou l’hostilité : c’est une manifestation du pouvoir de colère, qui se trouve à l’opposé de l’amitié

 

– l’amour-propre et la vanité : dont l’autre extrême est le complexe d’infériorité

 

– l’arrogance : qui est à l’opposé de l’humilité

 

– la vantardise : qui consiste à parler de soi avec fierté et satisfaction. Cet état découle de l’arrogance

 

– la rébellion : qui signifie désobéissance à quelqu’un qui mérite d’être obéi. Cet état découle lui aussi de l’arrogance, et il est à l’opposé de l’obéissance à quelqu’un à qui il est nécessaire d’obéir

 

– le fanatisme : une dévotion quasi aveugle pour quelque chose

 

– l’injustice et la dissimulation de la vérité : état dont l’opposé est la Justice et la fermeté dans la défense de la vérité

 

– la brutalité : manque de compassion et de clémence lorsque celles-ci sont nécessaires.

 

3- Les vices du pouvoir de passion et de désir sont la léthargie et la cupidité, dont les subdivisions sont :

 

– l’envie de ce bas-monde et des richesses : dont l’opposé est le zuhd (la sobriété)

 

– l’abondance et l’opulence : dont l’opposé est la pauvreté

 

– la cupidité (tamac) : dont l’opposé est l’indifférence aux possessions des autres

 

– l’avidité (hirç) : dont l’opposé est le contentement de ce qu’on a

 

– la convoitise de ce qui est interdit par la Religion et l’engagement dans des actes illicites : dont l’opposé est le “warac” (Piété), l’abstinence de ce qui est interdit

 

– la tricherie : dont l’opposé est l’honnêteté

 

– toutes les sortes de débauche : telles que l’adultère, la sodomie, l’alcoolisme et toutes autres formes de conduite frivole

 

– s’enfoncer dans le faux et croire aux choses fausses

 

– s’habituer à tenir des propos frivoles et insensés et des fanfaronnades vides.

 

Ainsi nous arrivons à la fin de l’énumération des vertus et des vices appartenant exclusivement à chacun des trois pouvoirs. Maintenant, nous allons énumérer les vertus et les vices appartenant simultanément à deux ou trois pouvoirs de l’âme :

 

-la jalousie : c’est-à-dire le désir envieux des fortunes des autres

 

– insulter et rabaisser les autres : dont l’opposé est le respect des autres

 

– ne pas être sympathique ou serviable envers autrui

 

– la flatterie

 

– rompre les liens avec la famille et les proches

 

– ne pas remplir les devoirs envers les parents et être désavoué par eux

 

– se mêler des affaires des autres en vue de découvrir leurs défauts

 

– révéler les secrets des gens : dont le contraire est le fait de garder les secrets des autres et même de les cacher

 

-provoquer des frictions et des désaccords entre les gens : dont la qualité opposée est d’amener la paix et l’harmonie entre les gens

 

– blasphémer

 

– polémique verbale et animosité

 

– se moquer des autres et les ridiculiser

 

– médire de quelqu’un

 

– mentir

 

– convoiter la célébrité et une haute position sociale

 

– aimer les louanges et détester les critiques : à l’opposé de ce vice, il y a l’indifférence et aux louanges et aux critiques

 

– la simulation : c’est-à-dire faire quelque chose pour attirer sur soi une attention favorable

 

– l’hypocrisie : dont l’opposé est le fait d’être le même intérieurement et extérieurement

 

– se duper : ce qui est à l’opposé de la perspicacité, du savoir et de l’humilité

 

– la rébellion : dont l’opposé est l’obéissance

 

– l’impudence et l’effronterie : dont l’opposé est la modestie et la pudeur

 

– se faire beaucoup d’illusions

 

– la persistance dans le péché : dont l’opposé est la repentance

 

– se négliger et s’éloigner de soi-même : dont l’opposé est faire attention à soi-même et être conscient de son but

 

– être apathique et indifférent à son bonheur et à son bien

 

– la haine déplacée : dont l’opposé est l’amitié et l’amour approprié

 

– inconstance et déloyauté : dont l’opposé est la loyauté

 

– l’isolement et l’éloignement des autres : dont l’opposé est la sociabilité et l’amitié

 

– le ressentiment et la hargne : dont l’opposé est le calme et la maîtrise de soi

 

– le chagrin et le remords : dont l’opposé est la gaieté et la joie

 

– le manque de confiance en Allah

 

– l’ingratitude : dont l’opposé est la gratitude et la reconnaissance

 

– l’impiété : c’est-à-dire la désobéissance aux Commandements d’Allah et leur transgression  l’opposé en est la piété et l’accomplissement des devoirs prescrits par Allah, ainsi que l’accomplissement des actes recommandés par Allah.

Tiré de L’ETHIQUE MUSULMANE (Abrégé de Bihâr al-Anwâr)

Traduit par Mohammad Mahdi ibn AbU Tharr al-Narâqî