Les facultés de l’âme(1) : leurs effets et caractéristiques

A sa création, l’âme de l’homme est comme une plaque vierge, dépouillée de toutes facultés (traits), bonnes ou mauvaises. Au fur et à mesure qu’on avance dans la vie, on développe des facultés qui sont directement liées à son mode de vie, à ses idées et à ses actes. La parole et les actes de l’homme produisent, lorsqu’ils sont répétés pendant une longue période, un effet durable sur l’âme, effet connu comme “faculté”. Cette faculté pénètre l’âme et devient l’origine et la cause des actions de l’homme. En d’autres termes, l’âme humaine s’habitue à cette faculté, établit avec elle une union et détermine la direction de l’être humain en accord avec les exigences de ladite faculté.

Si de telles facultés (malakât) sont nobles, elles se manifestent sous forme de parole et de conduite morales chez l’homme. Et si, au contraire, elles sont mauvaises et basses, elles se manifestent sous forme de conduite perverse et immorale.

Ces mêmes facultés jouent un rôle décisif dans la détermination du sort de l’individu dans le monde éternel de l’Au-delà. Là, l’âme sera accompagnée des mêmes facultés auxquelles elle a été associée dans ce bas-monde. Si ces facultés sont vertueuses, l’âme aura une béatitude éternelle, et si elles sont malades, elle subira une éternelle damnation.

 

Cette question des malakât fournit la réponse à ceux qui se demandent comment Allah Clément et Miséricordieux pourrait condamner un individu à une damnation éternelle pour un péché commis en un court laps de temps. Ce qu’il faut garder présent à l’esprit, à ce propos, c’est que lorsqu’un péché commis répétitivement conduit au développement d’une faculté chez l’homme, la torture et la punition qu’elle appelle affecte également l’âme, puisqu’elle y est incorporée. Le Coran dit à cet égard :

 

– “Nous attachons au cou de chaque homme son oiseau d’augure, et Nous lui présenterons le Jour de la Résurrection un livre qu’il trouvera grand ouvert : “Lis ton livre  Ton âme te suffit aujourd’hui pour témoigner contre toi.”.” (17 : 13-14) (5)

 

Et :

 

– “Le livre sera posé  tu verras alors les coupables anxieux au sujet de son contenu, et disant : “Malheur à nous  Pourquoi ce livre ne laisse-t-il rien, de petit ou de grand, sans le compter ?” Et ils trouveront présent devant eux tout ce qu’ils auront fait.” (18 : 49) (6)

 

Et :

 

– “Le Jour où chaque âme trouvera présent devant elle ce qu’elle aura fait de bien et ce qu’elle aura fait de mal, elle souhaitera qu’il y eût un long intervalle entre elle et ses actes.” (3 : 29) (7)

 

 

A) L’âme et ses pouvoirs

 

L’âme (nafs) est cette essence Divine qui emploie le corps et en utilise les divers organes pour atteindre ses buts. L’âme a aussi d’autres noms, tels que : “esprit” (ruh), “intelligence” (caql), et “coeur” (qalb), bien que ces termes aient également d’autres usages.

 

Les plus importantes des facultés de l’âme sont :

 

1 – Le pouvoir d’intelligence (al-quwwah al-caqliyyah) – angélique.

 

2 – Le pouvoir de colère (al-quwwah al-ghadhabiyyah) – féroce

 

3 – Le pouvoir de désir (al-quwwah al-chahwiyyah) – animal.

 

4 – Le pouvoir d’imagination (al-quwwah al-wahmiyyah, ou : al-quwwah al-câmilah) (3) – domestique.

 

La fonction et la valeur de chacun de ces pouvoirs ou forces de l’âme sont communément bien comprises. Si l’homme n’avait pas le pouvoir de raison, il lui aurait été impossible de distinguer le bien du mal, le bon droit de l’erreur, et le vrai du faux. S’il ne possédait pas le pouvoir de colère, il n’aurait pas pu se défendre contre les attaques et les agressions. Si la force de l’attirance sexuelle et du désir n’existait pas chez l’homme, la permanence de l’existence de l’espèce humaine aurait été en danger. Et enfin, si l’homme manquait de pouvoir d’imagination, il n’aurait pas pu se représenter ce qui est universel et ce qui est particulier, ni tirer aucune conclusion fondée sur eux.

 

Avec cette explication, les caractéristiques mentionnées pour chacune des quatre facultés humaines deviennent claires et compréhensibles. La “raison” est l’Ange qui guide l’homme. Le pouvoir de colère et de férocité en l’homme suscite en lui la férocité et la violence. Son pouvoir de désir et de passion le propulse ers l’immoralité et la licence. Et le pouvoir d’imagination chez l’homme lui fournit le matériel préliminaire pour l’élaboration d’intrigues, de complots et de machinations démoniaques. Maintenant, si la faculté de raison est utilisée pour contrôler les autres facultés, elle les garde à leur juste place et modère leurs excès, et les autres facultés travailleront dès lors pour le bien-être de l’homme, et accompliront des fonctions utiles  autrement, elles ne seraient capables que de faire le mal.

 

La corrélation entre ces quatre facultés de l’âme humaine est décrite de la façon allégorique suivante : imaginons un voyageur monté sur un cheval et suivi d’un chien et d’un homme qui l’espionne pour le compte de quelques bandits. Supposons que l’homme à cheval représente la raison, sa monture le désir et la passion, le chien le pouvoir de colère et de férocité et l’espion le pouvoir d’imagination. Si le voyageur réussit à contrôler sa monture, le chien et l’espion, et à maintenir son autorité sur eux, il arrivera à sa destination sain et sauf  autrement, il sera détruit. L’âme humaine est donc une scène ou un champ de bataille sur lequel il y a une lutte continuelle entre ces quatre forces. Quelles seront la caractéristique dominante et la nature de l’âme de l’individu, cela dépend entièrement de l’issue de cette lutte.En d’autres termes, cette issue déterminera le caractère et l’inclination de ladite âme. C’est pour cela que certaines âmes sont angéliques, d’autres bestiales, et d’autres encore démoniaques.

 

Selon un hadith, l’Imam cAli (P) (4) a dit :

 

– “Allah a doté les Anges d’un intellect sans désir sexuel et sans colère, et les animaux d’un instinct de colère et de désir sans raison. IL a exalté l’homme en le dotant de toutes ces qualités. En conséquence, si la raison de l’homme domine ses désirs et sa férocité, il se rehausse à une position supérieure à celle des Anges  car cette position est atteinte par l’homme malgré l’existence d’obstacles, alors que les Anges n’ont pas d’épreuve.” (8)

B) Les plaisirs et les peines

 

Le plaisir est une condition éprouvée par l’âme lorsqu’elle perçoit quelque chose d’harmonieux avec sa propre nature. La peine et la souffrance se produisent lorsque l’âme entre en contact avec des choses qui sont discordantes avec sa nature. Puisque les pouvoirs de l’âme sont au nombre de quatre, il s’ensuit que les plaisirs et les peines de l’âme doivent être divisés en quatre catégories, dont chacune correspond à l’un de ces quatre pouvoirs.

 

Le plaisir de la faculté de raisonnement réside dans l’acquisition de connaissances à propos de la nature réelle des choses  la peine de cette faculté réside dans l’ignorance et la privation de telles connaissances.

 

Le plaisir de la faculté de colère et de férocité réside dans le sentiment d’être victorieux et dans la satisfaction de vaincre tout ennemi et de se venger  la peine de cette faculté réside dans le sentiment d’être vaincu ou défait.

 

La joie de la faculté de désir et de passion est la jouissance de nourriture, de boisson et d’acte sexuel  alors que sa peine réside dans l’absence de ces jouissances.

 

Le plaisir de la faculté d’imagination réside dans la visualisation des particularités qui conduisent à l’apparition de désirs charnels et de tendances démoniaques  alors que sa peine réside dans l’insuffisance et l’inadéquation de ces visions.

 

Le plus intense et le plus pur des plaisirs est celui éprouvé par la faculté de raison. C’est une forme de plaisir qui est à la fois inhérent à l’homme et naturel chez lui. C’est un plaisir constant, non sujet au changement d’expérience dans la vie quotidienne.

 

Il est différent des autres plaisirs, qui appartiennent au corps et à l’être bestial, et qui sont de nature transitoire et sans valeur durable. Ces plaisirs bestiaux sont en fait si bas et triviaux que l’homme en a honte et s’efforce de les dissimuler. Si on disait à un homme qu’il tirerait un grand plaisir du fait de manger, de boire et de s’adonner à l’acte sexuel, il en serait honteux et bouleversé. Alors que si de tels plaisirs étaient de nature humaine, non seulement il n’en serait nullement honteux, mais il en serait fier si on les rendait largement publics.

 

Nous pouvons donc conclure que la sorte de plaisir qui est vraiment gratifiant pour l’homme, et non seulement en apparence, est le plaisir éprouvé par la faculté de raisonnement de l’âme. Cette sorte de plaisir a plusieurs degrés, dont le plus sublime est éprouvé par la proximité d’Allah. Pour atteindre ce plaisir suprême, il faut aimer et connaître Allah, et déployer des efforts inlassables en vue de se rapprocher toujours de LUI. Lorsque tous les efforts d’une personne sont déployés dans le but d’atteindre ce vrai et durable plaisir, les plaisirs sensuels sont vaincus et remis à leur place naturelle, c’est-à-dire poursuivis avec modération.