Le martyr d’Imam Hussein (as) à Kerbala

 

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Des millions de chiites se rendent chaque années dans la ville sainte. Ils commémorent la décapitation du 3e imam.
Le martyre d’Hussein à Kerbala

Islam Des millions de chiites se rendent chaque année dansla ville sainte d’Irak.

Ils commémorent la décapitationdu troisième imam

Kerbala, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Bagdad, résonne pour toujours du martyre d’Hussein, le troisième imam. Les morts violentes ont marqué la vie de ce dernier: son père, Ali, fut empoisonné, son frère aîné, Hassan, deuxième imam, aussi. L’assassin est le puissant calife omeyyade Muawiya, fondateur de la dynastie, qui règne à Damas sur un territoire qui s’étend du golfe Persique aux rivages africains. Hussein, devenu imam, vit dans la capitale omeyyade et doit taire son ressentiment contre Muawiya. Mais quand ce dernier meurt en 680 et que son fils, Yazid, lui succède, Hussein se révolte. La haine atavique qu’il nourrit en secret lui interdit de faire allégeance au nouveau calife Yazid Ier. Cette rébellion va sceller son destin tragique.
Pour éviter une condamnation à mort, Hussein fuit Damas avec 72 fidèles compagnons. On lui promet qu’à Koufa, il trouverait des soutiens auprès de la population. Il s’y rend donc en passant par Kerbala, sans soupçonner le piège. Les troupes du calife l’attendent. Le combat est inégal. Hussein et ses compagnons sont capturés, il est décapité sur le champ. Ses bourreaux rient en commettant l’horrible crime et roulent sa tête comme une bille de bois.

On dit qu’elle fut ensuite envoyée comme trophée à Yazid, dans son palais damascène, et que celui-ci prit peur en voyant la face grimaçante. Ce qui suivit se raconte simplement: la tuerie confirma le divorce entre chiites et sunnites. C’est ce massacre que commémorent les chiites duodécimains, qui sont majoritaires en Iran et en Irak notamment, au moment de la fête de l’Achoura.

Le jeûne dure le temps des célébrations qui commencent le neuvième jour du premier mois du calendrier musulman (Muharram) et culminent le lendemain, le 10 (Achoura en arabe), avec des processions organisées dans le monde entier, certaines donnant lieu à de spectaculaires scènes d’autoflagellation. Un deuil de quarante jours commence alors, qui se clôt avec la fête de l’Arbaïn (40 en arabe), c’est le point d’orgue du pèlerinage de Kerbala, le plus important du chiisme avec celui de La Mecque.

Beaucoup se mettent en route plusieurs jours avant l’Arbaïn et marchent les 60 km qui séparent Nadjaf de Kerbala, du tombeau du père à celui du fils. D’autres confluent de Bagdad, d’Iran, d’horizons plus lointains aussi, en famille, en voiture ou en bus, n’effectuant que les derniers kilomètres à pied. La fête n’en est qu’à moitié une: pas de rires ni de gaîté, mais des pleurs et des lamentations, car les chiites expient ce jour-là d’avoir attiré l’imam Hussein vers un piège fatal et de l’avoir abandonné à la fureur de ses ennemis. Les plus fervents se mutilent, se lacèrent le dos, exhibent des plaies sanguinolentes, à la tête et au torse, sang et larmes mêlés. Les pèlerins prient enfin le front contre cette terre de Kerbala, sacrée pour avoir recueilli le sang du ­martyr. Certains, outre les cicatrices, ramènent des briques de cette argile grise, que les boutiques autour du sanctuaire proposent aux pèlerins.

Le calvaire de l’imam Hussein a été durant des siècles interprété comme un acte religieux de résistance. Hussein, l’ami de Dieu, se rebellait contre le calife qui s’éloignait, lui, du chemin de l’islam. Ce faisant, il accomplissait son destin, la volonté divine et devenait martyr. Au XXe siècle, la figure d’Hussein a été politisée, il représente la résistance politique contre des oppresseurs imaginaires ou pas. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais, ou l’imam Khamenei en Iran, ne manquent pas l’occasion de l’Achoura pour évoquer le martyre d’Hussein lors de leurs anathèmes contre Israël ou les Etats-Unis.

Le dictateur Saddam Hussein, un sunnite, avait limité l’accès du pèlerinage à Kerbala et totalement proscrit les mortifications. Mais depuis l’invasion américaine et l’arrivée au pouvoir des chiites, les festivités de l’Achoura sont célébrées en grande pompe. Elles scellent l’alliance retrouvée entre l’Irak et l’Iran. Tout un symbole: heureux pour les chiites, mais pas pour les sunnites, qui voient dans les cohortes de pèlerins venus d’Iran un funeste retour de flamme et la preuve de leur disgrâce.

Le sud chiite de l’Irak attire les investisseurs, concentre une grande part des efforts de reconstruction déployés par Bagdad. La sécurité y est meilleure que dans le reste du pays, la région autonome du Kurdistan mise à part, et une relative prospérité y règne. Pour cette raison, le ressentiment des sunnites n’a cessé de croître. Les bombes et les attentats suicides en sont aussi l’expression. La période de l’Achoura connaît depuis des années des éruptions de violences meurtrières. Les dizaines de milliers de policiers et de militaires mobilisés pour assurer la sécurité à Kerbala lors du pèlerinage n’ont pu empêcher qu’il soit chaque année endeuillé. En 2013, 34 personnes sont mortes à Kerbala. Le prochain pèlerinage aura lieu en décembre, quatre millions de chiites y sont attendus.