L’HISTOIRE DU CHIISME(7): Le transfert du califat à Muawiya ‎ et sa transformation en une monarchie ‎héréditaire

Après le martyre d’Ali, son fils, Hassan Ibn Ali, qui est reconnu par les Chiites comme leur second Imam, devint calife. Cette désignation eut lieu conformément à la dernière volonté et au testament d’Ali, et également grâce à “allégeance de la communauté à Hassan. Mais Muawiya ne demeura pas impassible face à cet évènement. II marcha avec son armée vers l’Irak, où se trouvait alors la capitale du califat, et déclara la guerre à Hassan Ibn Ali.

Par diverses intrigues et la distribution de grandes sommes d’argent, Muawiya corrompit progressivement les aides et les généraux de Hassan Ibn Ali. Finalement, il força Hassan à lui laisser le califat pour éviter une effusion de sang et à faire la paix. Hassan lui céda le califat, à condition que ce dernier lui revienne à nouveau à la mort de Muawiya et qu’aucun mal ne soit fait à ses partisans[1].

 

Au cours de l’année 40/661, Muawiya accéda finalement au califat. II se rendit immédiatement en Irak, et dans un discours adressé au peuple de cette contrée, déclara: «Je ne me suis pas battu contre vous pour la prière ou le jeûne. Ce que je voulais, c’était de régner sur vous, et ce but je l’ai atteint»[2]. II ajouta: « L’accord que j’ai conclu avec Hassan est nul et non avenu. II git sous mes pieds»[3].

 

Par cette déclaration, Muawiya fit connaître au peuple le véritable caractère de son gouvernement et révéla la nature du programme qu’il envisageait de mettre en œuvre.

 

II précisa dans sa déclaration qu’il séparerait la religion de la politique et n’accorderait aucune garantie concernant les devoirs et les règlements religieux. II dépenserait toutes ses forces pour préserver et garder intact son pouvoir, à quelque prix que ce fût.

 

II est évident qu’un gouvernement de ce type est plus un sultanat et une monarchie qu’un califat, c’est-à-dire une succession au Prophète de Dieu, dans son sens islamique traditionnel. C’est pourquoi, certains de ceux qui furent admis à la cour de Muawiya s’adressèrent à lui comme à un «Roi»[4]. Lui-même, dans des réunions privées, interpréta son gouvernement comme une monarchie[5], alors qu’en public il se présentait toujours comme le calife. Naturellement, toute monarchie qui s’appuie sur la force implique le principe d’héritage. Muawiya confirma finalement ce fait, et choisit son fils, Yazid, jeune homme inconscient, et dépourvu de toute personnalité religieuse[6], comme «prince de la couronne» et successeur.

 

Cet acte devait être à l’origine de plusieurs évènements regrettables dans le futur. Muawiya avait déjà laissé savoir qu’il refuserait de permettre à Hassan Ibn Ali de lui succéder en tant que calife et qu’il avait d’autres projets. Par conséquent, il s’arrangea pour faire empoisonner Hassan[7], préparant ainsi la voie de la succession à son fils, Yazid.

 

En rompant son pacte avec Hassan, Muawiya montrait clairement qu’il ne permettrait jamais aux Chiites partisans de la famille du Prophète de vivre dans un environnement paisible et sain et de poursuivre leur activité comme auparavant. Aussi mettra-il son projet à exécution, il alla jusqu’à déclarer que quiconque transmettrait un hadith louant les vertus de la famille du Prophète ne jouirait d’aucune immunité ni protection en ce qui concerne sa vie, ses biens meubles et immeubles[8].

 

Parallèlement, il ordonna de récompenser convenablement quiconque pourrait apporter un hadith louant les autres Compagnons ou les califes. II en résulta, qu’à cette époque un grand nombre de hadiths louant les Compagnons furent inventés[9]. Muawiya donna l’ordre de répandre des commentaires défavorables au sujet d’Ali, du haut des chaires des mosquées à travers tout le territoire de l’Islam. (cet ordre continua à être plus ou moins appliqué jusqu’au califat de Omar Ibn Abd al Aziz, 101-99h.)[10].

 

Avec l’aide de ses agents dont quelques-uns avaient été des compagnons du Prophète, Muawiya mit à mort les plus éminents disciples d’Ali; les têtes de certains d’entre eux furent promenées à bout de lance à travers plusieurs villes.

 

La plupart des Chiites furent forcés de désavouer et même d’insulter Ali et d’exprimer leur mépris à son égard. S’ils refusaient. Ils étaient mis à mort[11].

[1] Ya’qûbi, vol.II, p. 191 et autres histoires.‎

[2] Ibn Abi al-Hadid, vol.IV, p. 160; Tabari vol.IV, p. 124; Ibn Athir, vol.IH.p. 203.‎

[3] Les mêmes sources, al-Nasâ’ih al-kâfiyah de Mohammad al-‘Alawi, Bagdad, 1368, ‎vol.II, p. 161 et autres.‎

[4] Ya’qûbi, vol.II, p. 193.‎

[5] Ya’qûbi, vol.II, p. 202.‎

[6] Yazid était un débauché et un sybarite. Q était toujours soûl et portait des ‎vêtements de soie déplacés. Ses fêtes nocturnes alliaient musique et vin. II avait un ‎chien et un singe, qui étaient toujours ses compagnons et avec lesquels il ‎s’amusait. Son singe s’appelait Abû Qays. II l’habillait de beaux atours et le faisait ‎assister à ses beuveries. Quelquefois, il le faisait monter à cheval et l’envoyait ‎participer aux courses. Ya’qûbi, vol.II, p. 196; Murûj al-dhahab, vol.HI, p. 77.‎

 

[7] Murûj al-dhahab,vol.III,p. 5; Abi’l-Fidâ’, vol.I, p. 183.‎

[8] al-Nasâ’ih al-Kâfiyah.p. 72,reprise du Kitâb al-ahdâth.‎

[9] al-Nasâ’ih al-Kâfiyah, pp. 72-73.‎

[10] Ya’qûbi, vol.II, pp. 199 et 210; Abi’l-Fidâ’, vol.I, p. 186; Murûj al-dtiahab, vol.III, ‎pp. 33 et 35.‎

[11] Ya’qûbi, vol.II, pp. 199 et 210; Abi’l-Fidâ’, vol.I, p. 186; Murûj al-dtiahab, vol.III, ‎pp. 33 et 35.‎