Une autre perspective sur la question de la mort

  1. Introduction

La question de la mort est un sujet dans l’Islam, porteur de beaucoup d’enseignement, de leçons et d’exemples qui prennent un sens profond dans le cœur de l’existence de chacun d’entre nous. Ce sujet a une résonnance historique et contemporaine profonde, car s’il y a une chose qui est une certitude c’est la mort, quel que soit notre sexe, notre origine ou notre religion. Chaque être humain, à partir du moment où il prend conscience de la mort, tente de la comprendre. Car la compréhension permet de maîtriser un tant soit peu cet inconnu qu’est la mort. Là où certains d’entre nous se dirigent vers elle avec sérénité, d’autres sont envahis par la frayeur et la terreur à son égard.

Essayons de comprendre les raisons qui sous-tendent cette peur. Très naturellement, deux raisons essentielles l’expliquent : soit une peur de l’annihilation soit la peur de la punition. Expliquons :

 

La peur de l’annihilation : lorsque l’on considère l’être humain comme étant uniquement un corps physique voué à dépérir et à disparaître, la mort représente l’oubli et le néant c.-à-d. la fin pure et simple de l’existence. Les gens qui pensent ainsi estiment qu’il n’y a aucune forme de continuation et que le néant est la seule éternité à laquelle l’homme est voué. C’est essentiellement la théorie de ceux qui sont les tenants du matérialisme ou de l’absurde. C’est par exemple une théorie qui est l’un des fils conducteurs de l’œuvre de certains grands écrivains comme Albert Camus (son œuvre Noces à Tipasa est une démonstration de cette philosophie.) Sans pour autant verser dans la caricature, ceux qui adoptent cette philosophie suggèrent qu’il faille pleinement profiter de la vie et des plaisirs et des jouissances qu’elle offre.

 

La peur de la punition : avoir peur de la punition implique une croyance dans une vie au-delà de la mort. Ceux qui craignent la mort par peur d’une punition acceptent que l’être humain soit la combinaison d’un corps physique, voué à disparaître, et d’une âme qui elle est éternel. Cette âme se présentera après la mort devant son Créateur afin de répondre de ses actes. Dans ce cas précis, la peur de la mort est avant tout la conséquence de la peur de la souffrance qui sera engendrée par les punitions subies en raison de nos mauvais comportements. Cette souffrance est d’autant plus redoutée qu’il n’y a pas d’indice qui permet de mesurer le degré de la souffrance ressentie après la mort. Ce qu’il y a après la mort dépasse notre connaissance et notre entendement.

 

Ceux qui ont peur de disparaître à jamais et ceux qui craignent la punition redoutent la mort, mais aussi le signe le plus tangible de l’approche de la mort : la vieillesse. On a beau vouloir retarder les signes de la vieillesse avec tous les artifices, les sérums (botox, etc.) ou la chirurgie, il n’en est pas moins que la mort est une réalité inéluctable.

 

Mais au milieu de tout cela, il existe un groupe d’hommes et de femmes, minoritaires, qui ont dépassé cette peur de la mort et la peur de la vieillesse.

 

Ces personnes adoptent une attitude de sérénité pleine de certitude face à la mort. Quel est donc leur secret ? Pourquoi, plutôt que de voir dans la mort un ennemi, y voient-ils un allié ? En vérité, comprendre ces gens revient à comprendre ce verset du Saint Qur’an : « Si vous prétendez être les bien-aimés d’Allah à l’exclusion des autres, souhaitez, donc la mort, si vous êtes véridiques » (Surah al-Jumu’ah-62 : 5). Ce verset dévoile une partie du mystère.

 

Quand nous nous replongeons dans nos textes et l’histoire de nos Massoumines (as), on découvre qu’il existe un genre de manuel d’utilisateur qui garantit à une personne du 21e siècle de s’affranchir de la peur de la mort, mieux que cela, d’y voir un pont qui le conduira vers la plus noble des destinations : la proximité de son Créateur.

 

Pour bien analyser et comprendre notre problème, nous allons le disséquer en plusieurs questions :

 

Pourquoi est-il dangereux de croire que l’on est un peuple élu ou choisi de Dieu ?

 

Quelle fut l’attitude des Bani Israïl lorsqu’ils eurent à faire face à la mort ?

 

Quelles sont les qualités à développer chez nous pour affronter sereinement la mort ?

 

Comment, de grands compagnons des Ahlulbayt (as), voyaient-ils la mort ?

 

  1. Les dangers de se considérer comme un peuple élu/choisi

Pour comprendre les dangers qui guettent les gens qui se sentent élus, il est nécessaire de prendre un exemple concret. Comme souvent, l’histoire est le lieu où l’on peut trouver des illustrations concrètes pour alimenter notre réflexion. Dans notre cas, prenons l’exemple des Bani Israïl qui, à de nombreuses occasions, ont très clairement estimé qu’ils étaient des peuples choisis par Dieu. Les versets du Saint Qur’an suivant en font référence :

 

« Demande aux Banis Israïl combien de miracles évidents Nous leur avons apportés ! Or, quiconque altère le bienfait d’Allah après qu’il lui soit parvenu alors, Allah est vraiment dur en punition. » (Surah al-Baqarah-2 : 211)

 

« Les juifs et les chrétiens ont dit : « nous sommes les fils d’Allah et Ses préférés. » Dis : « pourquoi donc vous châtie-t-Il pour vos péchés ? » en fait vous êtes des êtres humains d’entre ceux qu’Il a créés. Il pardonne qui Il veut et châtie qui Il veut. Et à Allah seul appartient la royauté des cieux et de la terre et de ce qui se trouve entre les deux. Et c’est vers Lui que sera la destination finale. » (Surah al-Maydah-2 : 18)

 

Adopter un tel état d’esprit n’est pas dénué de risque. Plus que représenter un danger pour les autres, il représente un réel risque pour soi-même :

 

2.1. L’arrogance envers les autres créatures de Dieu

L’arrogance est un sentiment qui naît du sentiment de supériorité qu’un individu qui se sent élu ou choisi par Dieu alors que les autres ne le seraient pas. Cette attitude fait perdre tout sens de l’humilité pour arriver à un point où l’on commence à rabaisser les autres et à renier leur valeur, leur origine, leur culture et leurs différences. Quand un peuple s’estime choisi, il a la faiblesse de croire qu’il est la lumière du monde et que Dieu a réservé le Paradis uniquement pour lui. Parfois, même ceux qui ne croient pas en Dieu développent cette attitude et tentent d’imposer leur philosophie de vie et leurs modes de pensée, refusant toute forme de pluralité et la liberté des gens de penser ce qu’ils veulent et vivre comme ils l’entendent…

 

En réalité, Dieu n’attend rien de personne. Bien au contraire, nous sommes tributaires de Sa Miséricorde et de Sa Bénédiction. L’arrogance est un sentiment contraire et incompatible avec la raison humaine telle de décrit par l’Islam. Imam Ali (as) l’avait très clairement rappelé à son très fidèle général Malik al-Ashtar lors de sa nomination en tant que gouverneur de l’Égypte : « tout homme, s’il n’est pas ton frère en religion, est ton semblable en humanité. »

 

Nous avons tous déjà croisé, au moins une fois dans notre existence, ce genre de personnes qui clament haut et fort qu’ils sont des êtres choisis. Et pourtant leurs actes et leurs comportements sont absolument exécrables. Ces types d’individus existent au sein même de nos communautés. A` l’inverse, nous avons tous déjà le bonheur de croiser le chemin de personnes qui ne partage pas notre foi ou notre philosophie de vie, mais dont le comportement et l’esprit sont ceux des hommes de Dieu. Prenez l’exemple de Gandhi ou de mère Theresa. Chacun pourra trouver dans sa mémoire le nom d’une personne qui illustre cette description.

 

Imam Ali (as) l’explique avec éloquence : « il y a autant de façons d’atteindre Dieu que de respiration durant toute une vie. » Il serait alors plus que présomptueux de s’arroger le titre de peuple ou d’individu élu/choisi de Dieu. L’ouverture d’esprit et la tolérance sont indispensables à l’égard du genre humain pour ne pas tomber dans la violence, le racisme, la xénophobie et le rejet de l’autre. Alors que l’autre doit être une source d’enrichissement, de partage et de progrès.

 

2.2. Le repli sur soi

Se considérer comme un peuple élu n’incite pas à accueillir d’autres personnes dans sa religion. Serais-je vraiment prêt à accueillir d’autres individus à embrasser ma religion lorsque j’estime être choisi, tandis que les autres ne le sont pas ? Il existe des religions où la foi se transmet par exemple par la mère. Par conséquent, toute personne qui naît d’une mère qui n’appartient pas à ladite foi n’appartiendra pas à cette religion. C’est d’une logique implacable. Pour adopter cette religion, une personne doit alors se soumettre à un rite initiatique d’intronisation contraignant et exigeant qui prend parfois plusieurs années. Une religion en accord avec l’esprit divin doit être facile à rejoindre et doit avoir un véritable sens de l’accueil et de la fraternité, à l’instar par exemple de l’islam où dire « ashadou anna la illaha illallah; ashadou anna mouhammadour rassouloullah » suffisent pour devenir musulman.

 

L’Islam, puisque nous parlons d’elle, n’est pas un club privé requérant un rite initiatique pour la pratiquer. C’est une religion et toute religion complexe ou difficile à rejoindre est contraire aux valeurs divines de l’accueil, de l’ouverture et celle de la fraternité en prime. Qu’exige réellement l’Islam à une personne qui l’adopte : croire en sa philosophie, en sa jurisprudence, en son éthique et en ses principes. En d’autres termes, toute personne qui adhère ou se retrouve dans le système de vie que propose l’Islam peut librement y adhérer s’il le souhaite, sans aucune considération de richesse, de race ou de culture. On comprend alors plus facilement que des gens comme Malcom X ou Mohamed Ali aient été séduits par cette religion à une époque où, aux E’tats-Unis, la lutte contre la ségrégation raciale était brulante. C’est peut-être aussi cela qui explique que l’Islam est la religion en plus forte croissance ces dix dernières années.

 

2.3. Le refus de la diversité et la politique de la sélection

Le refus de la diversité a déjà été évoqué plus haut. Mais poussons un peu plus loin cette idée. Lorsqu’un peuple se considère comme étant un peuple élu sur une terre qui leur revient de droit divin, il aura cette tentation de vouloir épurer cette terre qu’il estime avoir reçue de Dieu. Il va essayer d’en exclure tous ceux qui ne pensent pas comme lui et tous ceux qui ne partagent pas la même foi que lui, soit à travers la répression, soit en refusant aux minorités de s’exprimer ou de vivre leur foi, soit en instaurant des nivellements sociaux basés sur l’origine ethnique, soit à travers la destruction de logements autochtones pour installer des colonies, etc. Les peuples de ce genre tenteront de modeler l’espace à leur image, cherchant à éliminer toute forme d’aspérité. Il ne suffit pas de grand-chose pour que ce genre de peuples bascule dans une idéologie raciste, si ce n’est déjà le cas… Au 21e siècle, il est fascinant de voir que des pays adoptent ce genre de politiques.

 

2.4. Le contentement de soi

Le dernier grand danger est de croire qu’il suffit de faire peu d’actes de piété ou de foi pour obtenir la satisfaction divine : il peut y avoir cette tentation de croire que faire quelques prières ou assister à quelques rassemblements religieux de temps à autre suffisent pour gagner une place au Paradis, même si à côté on mène une vie pleine de vice. Ce serait un comble que d’avoir le Paradis à rabais de cette manière : celui de l’insouciance, de l’ignorance et de la condescendance.

 

2.5. L’exemple des Bani Israïl au temps du Saint Prophète (saww)

Faisons un petit aparté historique pour donner un exemple. Allons quelques centaines d’années en arrière à l’époque où le Saint Prophète (saww) s’était installé à Médine.

 

Après son installation, il a dû faire face à trois tribus des Banis Israïl de Médine : les Bani Naguib, les Bani Khaynouka et les Bani Kourayba. Au moment de son installation, le Saint Prophète (saww) avait établi une constitution stipulant les accords passés entre les religions monothéistes de Médine : chaque religion pouvait exister en paix dans le respect les uns des autres, les fidèles de l’une des fois n’empêcheraient pas les fidèles des autres religions à pratiquer et à vivre librement leur foi et surtout personne n’offenserait ou n’userait de violence à l’égard des membres des autres religions. Soit dit en passant, on est au 21e siècle dans un monde paradoxal où l’on utilise la violence contre les gens d’une même religion que soi.

 

Ce que Saint Prophète (saww) a instauré pour la première fois dans l’histoire c’est une société multiethnique, multiculturelle et multi religieuse, autrement dit une société laïque, bien plus en cohérence avec de la définition du mot laïque, contrairement à l’opinion de certains pays qui se font le chantre de l’esprit des lumières. Plus tard, durant son califat, Imam Ali (as) mettra en place un système similaire depuis sa capitale à Kufa. Lors de sa parousie, c’est précisément cette forme de gouvernance que notre 12e Imam (as) mettra en œuvre à une échelle plus vaste.

 

Les tribus des Banis Israïl vont d’abord adhérer à ce pacte proposé par le Saint Prophète (saww) avant que certains décident d’en renier les termes. Les Bani Kourayba vont en effet faire alliance avec Abou Soufyan pour mettre en place des stratagèmes pour détruire l’Islam et tuer le Saint Prophète (saww). Cette alliance met en lumière deux caractéristiques de l’attitude des Bani Israïl de l’époque :

 

Des monothéistes décident de s’allier avec des polythéistes pour détruire une religion sœur monothéiste. C’est une terrible ironie que de voir les Bani Israïl s’allier avec les partisans de Obal ou de Uzal (dieux des tribus de la Mecque) pour tenter d’annihiler une religion au système de valeur et de croyance très proche. En estimant qu’ils étaient un peuple choisi, il refusait l’éventualité que Dieu ait pu envoyer un autre Prophète après Moïse pour transmettre son commandement.

 

Jamais les Bani Israïl, dans le cadre de leurs alliances avec Abou Soufyan, ne vont directement s’exposer durant les affrontements. Ils vont comploter, financer et conseiller tout en restant à une bonne distance et en restant des observateurs intéressés.

 

C’est d’ailleurs cette attitude qui est notamment pointée du doigt dans le verset du Surah Jumu’ah que nous avons cité plus haut. Dieu y exhorte le Saint Prophète (saww) de s’adresser directement aux Bani Israïl de la ville de Médine. Dieu ne cherche pas à s’adresser à eux directement. En effet, le verset en question commence par « Dis », injonction ordonnant le Saint Prophète (saww) à rapporter les paroles de Dieu. Allah met une distance entre ces personnes et Sa Grandeur. A` cause de l’arrogance et le mépris, ces individus perdent la bienveillance d’Allah. C’est là une leçon à tirer pour chacun d’entre nous.

 

Après la bataille de Khandak, où les polythéistes de la Mecque attaquèrent Médine avec l’appui des Bani Israïl, ces derniers se retranchent à Khaybar.

 

Ils refusent toute forme de compromission avec le Saint Prophète (saww). La bataille s’engage et les plus grands guerriers des Bani Israïl, comme Marhab, Harith ou Zajij, y perdront la vie de la main d’Imam Ali (as). Rappelons qu’Imam Ali (as) ne devait pas participer à cette bataille en raison d’une infection qui l’empêchait de voir. Il tente malgré tout d’aller sur les lieux pour rendre visite à l’armée et c’est là qu’il aura cette célèbre formule : « c’est pour un jour comme celui-ci que ma mère m’a mis au monde. »

 

  1. Les qualités à développer pour s’affranchir de la peur de la mort

Précisions une chose importante. Le verset de la Surah al-Jumu’ah présenté en introduction fait référence à cet épisode des premiers temps de l’Islam.

 

Mais étant des musulmans nous sommes les premiers à être visés par les enseignements et l’injonction qui est contenue dans le verset 5 de cette Surah.

 

Il faut en effet rappeler que la Surah al-Jumu’ah est récitée chaque vendredi durant la prière du vendredi. Posons-nous cette simple question : si nous aimons Dieu, cette religion et son Prophète (saww), avons-nous peur de mourir ? Si nous répondons que la mort nous fait peur à cause de nos actes injustes à l’égard de Dieu et de ses créatures durant notre existence, alors c’est honnête, sincère et valide comme explication. Mais nous pouvons parvenir à dompter cette peur pour atteindre un état où nous pourrions faire preuve de sérénité face à la mort.

 

Quelque soit notre âge ou notre degré de conscience, d’une manière ou d’une autre, à un moment donné de l’existence, cette appréhension vis-à-vis de la mort apparaîtra. Le Saint Qur’an, à travers ce verset (Surah Jumu’ah-62 : 5), nous enseigne ce qu’est la véritable définition du mot « awlya Allah », c.-à-d. les choisis de Dieu : ce sont des êtres qui se sont affranchis de la mort en se donnant quatre grandes habitudes :

 

Dédier chacune de nos actions pour Dieu et Dieu Seul

 

Faire en sorte que nos actes soient en cohérence avec ce que nous prêchons, commandons ou conseillons aux autres

 

Préparer puis laisser derrière soi au moins un héritage qui puisse aider les autres à se diriger vers Dieu

 

Faire chaque jour le bilan de ses actions afin que les jours qui se suivent ne se ressemblent pas et soient un pas supplémentaire vers la proximité de Dieu

 

Expliquons plus en détail ces habitudes, les qualités qu’elles permettent de développer et pourquoi elles permettent de s’affranchir de la peur de la mort.

 

3.1. Des actions uniquement dédiées à Dieu

Dédier chacune de nos actions pour Dieu uniquement est un véritable défi et un enjeu essentiel. Qui, à chacune de ses décisions, garde à l’esprit Dieu ?

 

Dans la majorité des cas, nous effectuons de bonnes œuvres ou des actes nobles pour faire plaisir aux autres plus que pour nous rapprocher de Dieu. Trop souvent, nous nous soucions plus de notre image et de notre notoriété occultant complètement le cœur du problème : qu’est-ce que Dieu « pense de moi » ?

 

Dans notre existence trépidante, durant nos courses folles quotidiennes, avons-nous pris un peu de recul pour réfléchir et nous poser quelques questions tout à fait simples :

 

Pourquoi faisons-nous nos prières ?

 

Pourquoi récitons-nous ou écoutons-nous le Saint Qur’an ?

 

Pourquoi récitons-nous ou écrivons-nous des élégies (nawhas, marrasyas, manqabat, etc.) ?

 

Pourquoi portons-nous le voile devant les autres lorsque nous allons dans nos centres alors que les autres jours nos cheveux deviennent l’objet du désir de tous les hommes qui croisent nos chemins ?

 

En vérité, bien trop souvent, nous n’agissons pas, comme on peut le lire dans le Saint Qur’an (Surah Fatiha-1 : X), « dans le droit chemin », celui de ceux que Dieu a comblés de ses bienfaits. Nous nous écartons de cette voie pour aller sur les routes chaotiques du paraître et du « Ryah. »

 

Plongeons à nouveau dans l’histoire : Abou Soufyan, du temps du Saint Prophète (saww), était l’exemple par excellence et extrême de ce que nous décrivons. Cet homme avait pour habitude de donner de la nourriture et de l’argent sur les marchés uniquement lorsqu’il avait la certitude d’être vu par les autres afin que tous louent son nom. Un jour, alors que tout le monde avait quitté le marché, des orphelins s’approchèrent de lui pour lui demander un peu de nourriture. Abou Soufyan les chassa en leur disant qu’il n’avait aucun intérêt à leur donner quoique ce soit, car personne ne pourrait le voir faire cet acte de bonté. C’est d’ailleurs à la suite à cet incident que les versets suivants furent révélés au Saint Prophète (saww) : « vois-tu celui qui traite de mensonge la Rétribution ? C’est bien lui qui repousse les orphelins, et qui n’encourage point à nourrir le pauvre. » (Surah Xxx-107 : 1/3)

 

On peut juste espérer que nous ne sommes pas comme Abou Soufyan. Il nous arrive par exemple de faire des donations. La question est de savoir si nous le faisons juste pour avoir notre nom cité en public. Il est vrai que dans certaines conditions rendre publiques les bonnes œuvres d’une personne est importante afin d’inciter les autres à faire preuve de générosité créant ainsi une forme d’émulation.

 

Ainsi, la peur de la mort apparaît lorsque nous réalisons que toutes ces années très peu de nos actes étaient réellement dédiés à Dieu et Dieu Seul…

 

3.2. « Faites ce que je dis, car c’est aussi ce que je fais »

En tant que musulman, il est absolument fondamental que ce que nous prêchons et conseillons aux autres soit en accord avec nos actes. Ce qui est en jeu ici c’est la crédibilité de la parole islamique, car celui qui prêche et conseille les autres a aussi un devoir d’exemplarité : il est un modèle. Maintenir cette cohérence entre le « dire » et le « faire » est parmi les exercices les plus compliqués et les plus difficiles au monde. C’est le défi de toute une vie. Le jour où cette cohérence devient une « seconde nature », toute peur de la mort s’évanouit.

 

Imaginez que vous dites à quelqu’un qu’il est prohibé de serrer la main d’une femme si c’est un homme ou d’un homme si c’est une femme. Comme par hasard, vous serez confronté à la situation dans les heures ou les jours qui suivent. Question : en situation réelle, allons-nous rester fidèles à nos paroles ?

 

Imaginez une femme qui conseille à de jeunes filles de porter l’hijab. Le lendemain, ces même jeunes filles croisent cette personne dans la rue, portant des habits incompatibles avec les valeurs islamiques : imaginez l’impact que cela peut avoir sur la conception de l’Islam de ces jeunes personnes !

 

En général, lorsque l’on prêche quelque chose ou lorsque l’on conseille aux autres d’adopter des comportements conformes à l’Islam, Dieu nous met toujours face à nous-mêmes : jusqu’à quel point sommes-nous en cohérence avec nous-mêmes ? Un jour, un homme vint voir Sheikh Tusi et lui demanda : « quel est donc le degré de ton savoir pour t’assoir trois marches plus haut que nous ? » Sheikh Tusi lui répondit : « s’il existait une chaire qui puisse représenter le savoir que je ne possède pas alors nul doute qu’il atteindrait le ciel. » Cet exemple de Sheikh Tusi montre qu’il est plus que temps que nous prenions conscience du fait que chaque musulman est l’ambassadeur de sa religion.

 

Pratiquer ce que l’on prêche apporte la paix de la conscience : Dieu est Celui qui observe nos actes publics comme privés.

 

3.3. Un héritage pour l’éternité

Nous travaillons dur pour laisser derrière nous un héritage pour nos enfants ou, pour ceux qui sont un peu plus visionnaires, pour la communauté ou pour l’humanité. Mais il y a des héritages qui nous assurent l’éternité et d’autres qui n’apportent aucun bénéfice, sauf pour ceux qui le reçoivent. Et encore ! Le véritable héritage digne de ce nom est en réalité celui qui laisse une empreinte de soi qui transcende la mort. Expliquons-nous : regardez l’héritage laissé par Moulla Asgar (ses prêches, ses élégies, sa dévotion à la communauté, la KSI World Federation, etc.) ou ceux laissés par Ayatullah Tabatabaï (des centaines de livres sur l’Islam, des centaines d’érudits et de savants musulmans qui ont appris auprès de lui, l’un des exégèses du Saint Qur’an le plus exceptionnel qu’est al-Mizan, etc.)

 

A` la lumière de ces exemples, nous devons comprendre que le type d’héritage que nous devons laisser ne doit pas être que pièces sonnantes et trébuchantes que nos enfants auront vont dilapider s’ils n’ont pas appris ce qu’est l’argent et sa valeur. Il est important de laisser derrière soi des héritages qui permettront aux générations futures de rester sur la voie de Dieu, d’apprendre l’Islam, de s’éduquer, de se soigner et de soigner les autres, de prendre soin des plus faibles, etc. Ce que nous évoquons ici s’appelle le « sadaqa Jarya » à savoir des actes et héritages qui permettent aux générations futures de se rapprocher de Dieu. Au-delà de notre mort, ces héritages et ces legs nous procurent des bienfaits et des récompenses. Ceux qui laissent des héritages de cette qualité s’affranchissent totalement de la peur de la mort.

 

Il est indéniable que nous comparer à des personnages comme Allama Tabatabaï, Ayatoullah Khomeiny ou encore des hommes comme Moulla Asgar serait ridicule. Des hommes et des femmes comme eux ont transformé la vie et le destin de millions de personnes, faisant naître des vocations pour servir la communauté et transmettre l’Islam.

 

Mais la voie qu’ils ont prise doit nous inciter à nous poser les questions suivantes : si je devais mourir dans la journée, ai-je laissé derrière moi un héritage digne de ce nom ? Ai-je laissé des livres d’où les autres apprendront et approfondiront leur connaissance de l’Islam ? Ai-je laissé des enfants bien guidés et bien formés qui à leur tour guideront et formeront les générations futures ? Ai-je contribué à bâtir des dispensaires, des orphelinats ou toute autre structure pour aider les plus faibles et ceux dans le besoin ? Ai-je laissé des cours et des discours pour aider les plus jeunes à se rapprocher d’Allah ?

 

3.4. Le livre de compte de ses actes

Lorsque l’on discute avec ceux qui sont proches de Dieu, qui brillent par leur piété, tous mettront en avant une chose importante de leur vie : tous font l’audit de leurs actions de la journée, c.-à-d. qu’ils font quotidiennement la comptabilité de leurs actes bons comme mauvais. Pour mieux comprendre les choses, faisons une petite analogie économique. A` la fin de chaque année, toutes les entreprises doivent produire leurs bilans et leurs comptes de résultats afin de les soumettre à un commissaire aux comptes. Ce dernier en fera l’audit pour dire s’il y a des irrégularités, des choses à améliorer ou des points d’attention pour les dirigeants de l’entreprise. En fonction de ce que le commissaire aux comptes dira, les dirigeants devront agir pour rétablir la situation de l’entreprise.

 

De la même manière, chacun d’entre nous devra présenter son bilan et son compte de résultats de fin de service au moment de sa mort. Mais cette présentation se fera devant un commissaire aux comptes bien particulier à savoir Dieu. Contrairement à une entreprise, dans ce cas précis, une fois les comptes clôturés et le bilan édités, s’il y a des irrégularités qui apparaissent, aucun correction ou changement ou amélioration ne pourront être faits : il faudra en assumer les conséquences. Plus votre bilan sera sain et positif, plus l’audit dont nous ferons l’objet sera clément. Mais pour cela, il est nécessaire d’anticiper les choses en adoptant un principe d’amélioration continue. Expliquons cela. Si une personne se soumet quotidiennement à cet exercice d’audit et d’examen d’inventaire personnel, il pourra :

 

Identifier ce qui s’est mal passé, ce qu’il a mal fait ou le mal qu’il a fait Prendre les décisions et agir pour corriger ses erreurs Améliorer de jour en jour son comportement

 

C’est ce que l’on appelle le « kaizen » en japonais, un mot qui est la fusion des deux mots japonais « kai » qui veut dire changement et « zen » qui veut dire bon. En français, on pourrait traduire cela par amélioration continue. C’est d’ailleurs devenu une célèbre méthode dans les entreprises modernes dont la philosophie de base se résume par cet adage « mieux qu’hier, moins bien que demain. » Il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour trouver des références ou des éléments de comparaison afin de mesurer notre situation et les progrès à faire. Il suffit de garder en point de mire les Ahlulbayt (as) et de nous poser tous les jours le soir cette question toute simple : en repensant à tout ce que j’ai fait dans cette journée, me suis-je rapproché des valeurs que représentent les Ahlulbayt (as) ou m’en suis-je éloigné ? Facile à dire, mais indiscutablement très difficile à faire et à appliquer !

 

Faisons l’effort et nul doute que nous serons mieux armés pour affronter le moment où nous prendrons notre toute dernière inspiration dans ce monde pour plonger définitivement dans l’autre.

 

Ceux qui font cet exercice parviendront à s’affranchir de la mort, mais en même temps, ils évitent bien des incohérences dans leur vie. Prenons un exemple pour mieux comprendre les choses, un exemple qui parlera à tout le monde : Facebook. Comme de nombreux outils, Facebook peut être un excellent média s’il est bien utilisé : il peut servir à informer, à faire la promotion d’événements islamiques, à diffuser le savoir islamique (discours, élégies, etc.), de retrouver ou de garder le contact avec des amis, etc. Mais lorsque l’on utilise mal cet outil, il peut devenir le révélateur des pires contradictions et des travers les plus inavouables de l’être humain. Pour un musulman, cela peut avoir pour conséquence de troubler l’image que le monde extérieur peut avoir de l’Islam. On ne le dira jamais assez : nous sommes tous les ambassadeurs de notre religion. Tout ceci mérite quelques explications.

 

Il est parfois surprenant de voir certaines personnes indiquées sur leur profile que le Saint Qur’an est leur livre préféré et dans la section musique vous avez la liste de toutes les stars de la chanson les plus connues de l’époque. D’autres affichent fièrement dans la liste des personnes qu’ils admirent Housayn ibn Ali (as) ou Zaynab binte Ali (ahs) et pourtant ils affichent des photos qui sont en totale contradiction avec les valeurs défendues par ces deux illustres personnages. Est-ce pour cela qu’Imam Houssayn (as) a consenti tant de sacrifices ? Est-ce pour cela que bibi Zaynab (ahs) a si vaillamment résisté à l’oppression de Yazid ? Que diraient-ils s’ils voyaient ce que nous sommes devenus ? Imaginons juste un instant qu’à notre mort nous ayons à montrer notre page Facebook à Dieu et aux Ahlulbayt (as) : sommes-nous prêts à le faire ? L’avantage de nos pages Facebook c’est que, dans une certaine limite, nous pouvons la « nettoyer » afin de nous donner une image plus acceptable aux yeux des hommes.

 

Mais qu’en est-il vis-à-vis de Dieu ? Ce que nous avons tendance à oublier c’est que nous possédons tous un autre mur Facebook qui se trouve sur nos deux bras où des anges scribes postent continuellement la moindre de nos actions, bons ou mauvais. Ce mur-là, absolument personne ne possède le pouvoir de le « nettoyer. » Mais en faisant tous les jours un examen de sa conscience, on peut réussir à le remplir de bonnes œuvres et de belles actions.

 

  1. La mort et l’exemple inspirateur de quelques grands noms de l’Islam

Une personne parviendra à dompter sa peur de la mort et l’accueillir avec sérénité lorsqu’elle atteindra ce stade où elle pourra dire à Dieu : « j’ai toujours agi pour Toi et Ta religion ; j’ai toujours été le premier à appliquer ce que je prêchais et conseillais aux autres ; je laisse derrière moi un héritage pour perpétuer Tes Noms et l’Islam ; et j’ai toujours pris la peine de faire quotidiennement l’examen de ma conscience afin de me rapprocher vers Toi. »

 

L’histoire, encore elle, nous a donné l’exemple de biens d’hommes qui ont atteint ce statut. Découvrons ensemble quelques-uns d’entre eux.

 

4.1. Ja’far Tayyar

Ja’far Tayyar, le frère d’Imam Ali (as) fut le porte-étendard du Saint Prophète (saww) lors de la bataille de Mu’ta. Elle eut lieu près du village de Mu’ta, à l’est du Jourdain et d’al-Karak, entre une troupe de combattants musulmans commandés par Ja’far et une armée de byzantins et de ghassanides. Beaucoup de compagnons du Saint Prophète y perdirent la vie, dont Ja’far Tayyar. Au cours de la bataille, face à des assaillants en surnombre, Ja’far Tayyar perd ses bras dans l’affrontement avant de tomber au sol. Soit dit en passant, faites le lien avec Janabe Abbas (as) le jour de Ashoura.

 

Le jour où Ja`far fut tué, le Prophète était allé chez lui pour embrasser ses enfants tendrement et verser un flot de larmes en signe d’affliction.

 

Asmâ’, la femme de Ja`far, ayant deviné la vérité, s’était mise à gémir si bruyamment que les femmes s’étaient rassemblées autour d’elle. Le Prophète était retourné alors chez lui pour demander aux membres de sa propre famille d’envoyer la nourriture chez les Ja`far, parce qu’il n’y aurait pas de nourriture cuisinée là-bas étant donné que cette famille était plongée dans le chagrin causé par la perte de Ja`far. Le lendemain matin, le Prophète était entré en souriant dans le masjid, et lorsque les gens l’avaient accosté, il dit : « Hier, ce que vous avez vu sur moi était dû au chagrin que j’avais éprouvé pour le massacre de mes compagnons, mais par la suite je les ai revus au Paradis, confortablement installé, et j’ai vu un Ja`far avec deux ailes, comme les anges ». Depuis lors, Ja`far est connu sous le nom de Ja`far al-Tayyâr ou Ja`far Thul-Janâhayn (le martyr ailé.)

 

Alors qu’il est sur le point de perdre la vie, Ja’far avait dit cette chose incroyable : « comme la saveur du martyr est fraiche et plaisante ! » Ja’far était serein face à la mort, car ses actes et ses principes étaient en totale cohérence avec les quatre grandes qualités que nous avons précédemment décrites. Pour n’en détailler qu’un seul, Ja’far a laissé derrière lui un héritage hors du commun : son Abdoullah deviendra sera l’époux de bibi Zaynab (ahs) et le père de deux des martyrs de Karbala : Aun et Muhammad. Imaginez dans ce cas quelle devait être la valeur d’Abdoullah et les principes et les valeurs que son père lui a transmis !

 

4.2. Hujr ibn Adi

Hujr était un des plus fidèles compagnons d’Imam Ali (as). Il été, par exemple, à ses côtés lors de la bataille de Narwhan contre les Kwarijites. Son mausolée ainsi que ceux de ses compagnons exécutés à ses côtés sur ordre de Mu’awiya repose à à environ quinze kilomètres de Damas, dans un endroit appelé Majr ‘Adra. Selon certaines traditions (hadiths), la visite pieuse (zyarah) de bibi Zaynab (ahs) n’est pas acceptée si celle de Hujr n’est pas faite également.

 

Durant son califat, Mu’awiya avait demandé à ce qu’au début de toute intervention, le nom de Ali ibn Abi Talib (as) soit conspué. Lorsque Ziyad devient gouverneur de Kufa, il ne se contentera pas que de conspuer le nom d’Imam Ali (as) : il se met aussi à l’insulter. Hujr, à la tête de quelques partisans s’opposent ouvertement à cette pratique et va jusqu’à organiser des rencontres où l’on rappelle les véritables mérites de Ali (as) comparé au népotisme de Mu’awiya. Zyiad tente d’abord de faire arrêter Hujr mais il est défendu par des notables de Kufa.

 

Mais lorsqu’une mise en garde publique est faite par Mu’awiya par l’intermédiaire du gouverneur tous se désolidarisent de lui, tout comme ils le firent avec Ali (as) et Hassan (as) auparavant et tout comme ils le feront avec Imam Houssayn (as) un peu plus tard. Hujr devenant de plus en plus une menace au pouvoir de Mu’awiya, il est arrêté avec ses compagnons et conduit vers Damas. En arrivant à Majr ‘Adra, Hujr et ses six compagnons qui refusaient de renier Ali (as) sont sommairement exécutés.

 

Au moment de son exécution, les soldats de Mu’awiya lui dirent : « comme tu es un arabe comme nous, nous allons te faire la faveur de répondre à ta dernière volonté. Que veux-tu ? » Hujr répondit : « avant de prendre ma vie, je veux que vous exécutiez mon fils devant moi. » Les soldats s’avancèrent et prirent la vie du jeune homme. Ce souhait avait terriblement perturbé les soldats et l’un d’eux demanda à Hujr la raison d’un tel vœu. Ce dernier leur répondit : « j’avais la crainte qu’en voyant me faire exécuter mon fils ne prenne peur, l’incitant à renier la voie de Ali pour se tourner vers Mu’awiya.

 

En demandant cela, je voulais m’assurer qu’il meurt avec l’amour d’Ali (as) dans le cœur. Maintenant, j’en ai la certitude et la mort ne m’effraie plus, car je pourrais me présenter devant Dieu et avoir l’honneur d’affirmer que mes enfants ont grandi et son mort avec l’amour d’Ali dans le cœur. » 4.3. Abbas ibn Ali (as)

 

Le dernier exemple incontournable est celui de Janabe Abbas ibn Abi Talib (as). Lorsqu’Abbas (as) revenait de l’Euphrate, la gourde de Sakina (ahs) rempli d’eau entre les mains, les soldats ennemis profitent de l’impossibilité de tirer son épée pour mener une attaque sur lui. C’était la seule occasion qu’ils avaient pour espérer faire plier celui qui portait le même surnom que son père : « le lion. » Abbas (as) s’adresse aux soldats leur disant : « je ne fuirai pas la mort alors qu’elle me désire et me réclame. Tant que les lames de vos épées ne m’ôteront pas la vie, mon âme appartient au petit-fils du Saint Prophète (saww). Je suis Abbas, celui en qui les enfants ont placé leur confiance pour apporter de l’eau au camp. »

 

Le jour de Ashoura, Abbas (as) avait cette sérénité face à la mort, car il avait les valeurs islamiques chevillées au corps : chacun de ses actes et ses paroles étaient le reflet de sa proximité de Dieu. Et Dieu le récompense pour cette fidélité en faisant de lui le symbole de la fidélité. Abbas (as) a laissé sa propre personne en héritage : par ordre divin, il est devenu « baboul Hawaej », la porte où toutes les prières trouvent une réponse.

 

Le jour d’Achoura, tous les martyrs firent appel à Imam Houssayn (as) lorsqu’il rendait leurs derniers soupirs. Janabe Zaynab (ahs) raconte que dans ses derniers instants Imam Houssayn (as) a pensé et appelé celui qu’il considérait comme sa colonne vertébrale à savoir Janabe Abbas (as) : il était son petit frère, un frère qui était meurtri chaque fois qu’il voyait de la tristesse dans les yeux de celui qu’il a toujours appelé « mawla. » Lorsqu’Ummul Banin accepta de se marier avec Imam Ali (as), elle avait comme condition d’entrer dans la vie des enfants de Fatema (ahs) en tant que servante.

 

En récompense, elle a mis au monde des servants pour Houssayn (as) : rappelons que les quatre fils qui vont naître de cette union, dont Abbas (as), donneront leur vie à Karbala. Là où Qassim (as) fut le don de Hassan (as) et Aun et Muhammad ceux de Janabe Zaynab (ahs) à la cause de Houssayn (as), Abbas (as) fut celui de Ali (as). De toute son existence, Ali (as) n’a jamais rien demandé à Allah à part ce fils. Et quel fils !

 

Lorsqu’Ummul Banin apprit la mort de son fils, les gens vinrent lui présenter leurs condoléances. A` cette occasion, elle aura cette formule hors du commun : « si vous me donnez tout ce qu’il y a dans le Paradis ainsi que soixante-dix Abbas, je les échangerai tous contre l’assurance que la vie de Houssayn est sauve. »

 

  1. Le mot de la fin

La mort et les interrogations à son sujet qui agitent l’esprit humain ne concernent pas que les musulmans. Toutes les religions se posent cette question de l’existence ou non d’une éternité au-delà de la mort : la où le bouddhiste voit le Nirvana, les religions monothéistes voient un Paradis.

 

Pour l’atteindre et affronter sereinement l’instant de la mort et notre voyage vers ce moment inexorable, les bouddhistes parlent de cycle de résurrection qui doit aider les hommes à purifier suffisamment leur karma pour atteindre le Nirvana.

 

L’Islam est plus pragmatique : elle exige d’un individu une cohérence entre ses actes, sa parole et les valeurs islamiques auxquelles il a décidé d’adhérer en faisant sa prestation de foi : « ashadou anna la illaha illallah; ashadou anna mouhammadour rassouloullah », sans qu’il n’y ait besoin de rite d’initiation ou d’intronisation. Toujours dans un souci de pragmatisme, l’Islam nous livre l’ultime secret pour affronter avec sérénité la mort :

 

Agir pour Dieu uniquement et non pour soi ou pour le plaisir des hommes Faire ce que l’on dit c.-à-d. toujours agir en cohérence avec les valeurs que l’on porte Laisser un héritage qui apporte un bénéfice, au sens islamique du terme, aux autres Faire quotidiennement l’examen de sa conscience et de ses actes

 

Ce qu’il faut retenir, c’est l’exemple que l’histoire nous a laissé à travers des personnages aussi illustres que Ja’far Tayyar, Hujr ibn Adi et surtout Abbas ibn Ali (as) : ils nous ont tous montré la voie pour avoir face à la mort cette plénitude et cette sérénité. Ils nous ont tous enseigné comment affronter l’inéluctable. Terminons par cette question et cette invitation à la réflexion, à l’examen de notre conscience et à l’éveil : avons-nous appris quelque chose de leur enseignement ? Sommes-nous prêts à appliquer cet enseignement pour aller sereinement vers la mort ? Apprenons et suivons la voie qui est tracée devant nous.

AUTEUR: SAYED AMMAR NAKSHAWANI

Une autre perspective sur la question de la mort

Sur la base du discours de Sayed Ammar Nakshawani sur le même sujet (7 Muharram 2010)‎

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